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AUX PHLOX
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Elle ne l’était pas. Aujourd’hui, elle dépasse à peine soixante ans, et c’est il y a tant d’années que Lise volait à la bordure de son parterre, des phlox dont elle suçait le cœur sucré.

Jamais, presque, Lise n’avait revu Marraine. Elle n’avait donc jamais compris que Marraine n’était qu’une jeune femme quand elle-même était petite.

Lise la croyait si loin d’elle, si passée, et soudain elle l’a vue, bien vivante auprès de sa mère dormant son dernier sommeil. Marraine avec elle pleurait la morte. Une espèce de parenté surgit alors des années reculées, les bras de Marraine se refermèrent sur Lise qui sentit soudain que Marraine seule connaissait tout, que Marraine était bien plus importante et réelle et proche de son âme que toutes les autres qui défilaient, lui parlaient, l’aimaient aussi.

Lise la retrouvait pareille à l’image nette de ses souvenirs. Marraine pouvait penser avec regret à l’enfant que Lise avait été, mais Lise n’évoquait rien de différent, sauf la robe, le manteau.

Lise avait autrefois cru Marraine très vieille. Aujourd’hui, elle ne la trouvait même pas vieillie, et elle l’aimait tout à coup aussi tendrement. Inconsciemment, Lise chérissait en cette femme son enfance revenue au moment où,