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AUX PHLOX
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— Nous avons tout de même l’air d’émigrés ! déclare Maryse, qui aime mieux d’habitude voyager en taxi, et qui trouve un peu sans dignité d’arriver ainsi au château.

Ils se sont alignés tous les quatre de front, et s’emparent de la route. Jean porte une valise. On lui avait bien recommandé pourtant, de ne prendre que son maillot de bain. On le plaisante. Il prétend n’apporter que des livres, mais sûrement, c’est faux. Sans cela, comment aurait-il risqué les intempéries du lendemain, tout en blanc comme un prince ? Lucette et Maryse n’ont que des sacs à ouvrage ! Quand on arrive en bande, il ne faut pas avoir l’air d’arriver pour quinze jours !

— Et nous avons une route d’un mille et quart à parcourir, beau Jean. Louis, tu lui aideras à porter sa valise ? même s’il ne le mérite guère ?

Nez au vent, heureux et fredonnants, ils avancent. Lucette n’a pas les longues jambes de ses trois compagnons, mais l’enthousiasme y supplée. Retourner dans ce royaume qu’elle connaît mieux que les autres, est-il rien de plus émouvant ? Y retourner avec son mari, y déterrer des heures de sa jeunesse qu’il n’a pas connues, qui éclaireront Lucette d’un jour nouveau, est-ce à dédaigner ? L’habitude a tant rongé les joies