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AUX PHLOX
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À la douce mémoire…

Je ne l’aurai pas vue morte et toujours je l’imaginerai vivante. Elle était si belle, si ardente encore, si splendide avec ses longs cheveux blancs soigneusement coiffés, son teint resté frais comme ses grands yeux gris, clairs et vifs, étaient restés jeunes. Je l’enviais de vieillir élégante et devenant plus jolie. On disait d’elle : Elle a l’air d’une reine, et sa taille superbe et ses mains fines justifiaient à merveille la comparaison.

Je me dis bien que c’est fini, que sa vie brusquement s’est éteinte, mais je la revois quand même avec son expression coutumière, un peu de rose sur ses joues s’opposant au gris-bleu de ses yeux interrogateurs, la bouche animée. Elle aimait les jeunes, les comprenait, leur faisait part de son expérience sans leur déplaire, sans rabrouer leurs illusions, amusée plutôt, intéressée par leurs idées, leurs histoires, leurs aventures ; leur grande aventure surtout, le roman qui allait fixer leur vie.