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LA MAISON

l’autre bout de la péninsule, un hameau de quelques maisons.

L’air s’agitait d’une brise excessivement douce, le ciel et la mer rivalisaient de couleur, et dans la baie toute bleue, devant chez nous, un grand bateau blanc était ancré. Autour, tournaient d’innombrables mouettes. Le paysage était un état d’âme heureux, mais cette jeune femme de si triste mine l’assombrissait. Que faire pour elle ? Je n’avais pas besoin de bonne. Alors, elle s’excusa de m’ennuyer. Sa voix était douce et me priait de lui parler de sa ville natale.

— C’est l’Exposition sans doute, en ce moment. En avez-vous eu des nouvelles ? Savez-vous s’il y a eu des courses de natation, cette année aussi ? L’an dernier, ma petite sœur a eu le premier prix. Nous habitons près du canal, rue Sunnyside.

Sunnyside. C’était, je pouvais me souvenir, une jolie rue. Je ne sais pas interroger, amener les confidences. Elle me faisait pitié ; sa robe de miséreuse la classait faussement. Je le voyais maintenant dans sa voix, son accent, ses manières délicates, polies, et ce sentiment profond de nostalgie qui la faisait s’attacher à me parler, uniquement parce que je venais d’Ottawa.

J’en venais. Et je n’avais aucune hâte d’y retourner, de voir l’été fini, de quitter la mer, l’air pur, les montagnes, les délicieux sentiers