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bouche amère

riches petites élèves avaient la scarlatine, puis après leur guérison, elles partirent pour le sud.

Elle ressentit un grand vide, et ce n’était pas le regret des enfants, qu’elle aimait pourtant. Bouche amère en était la cause. Elle fureta dans l’annuaire du téléphone. Elle ne trouva pas son nom, il devait habiter une pension. Il ne lui avait jamais dit à quel bureau il travaillait. Et puis, elle se raisonna. Après tout, le nom de ses parents à elle, il le savait, et celui de la rue où elle habitait, sinon le numéro exact. Elle avait assez parlé pour qu’avec ces renseignements il la retrouve, si lui aussi désirait la revoir. Un an, presque, de cour quotidienne, en tramway, c’était assez pour se sentir attaché. Henriette souhaitait un heureux hasard qui ferait surgir une nouvelle rencontre. Elle pensait à lui, priait même pour lui. Et ayant affaire dans l’ouest elle y allait le matin, à son ancienne heure.

Coin Sainte-Catherine, Bouche amère ne l’attendait plus.

Le temps fit son œuvre, aidé de l’imprévu. Henriette pensa moins à Bouche amère, puis cessa tout à fait d’y penser.

Son frère amena un jour à la maison un camarade d’Université qui venait du fin fond de l’ouest canadien et était à Montréal, sans famille et sans amis. Perdu et isolé dans la grande ville, il revint au foyer qui voulait bien l’accueillir. Il était grand, beau, jeune. Ce fut pour Henriette le coup de foudre, et un amour qui grandit ensuite entre eux normalement, comme un jeune plant bien soigné. Il grandit deux ans, trois ans, puis l’étudiant,