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VI

BOUCHE AMÈRE


Le robinet qu’elle entend couler, la porte qui claque, — son frère oublie une fois de plus que les autres dorment — l’odeur du café, éveillent Henriette et l’avertissent qu’il sera bientôt l’heure de se lever. Elle ouvre les yeux puis les referme. Elle veut savourer ces derniers instants de repos, finir un rêve agréable. Elle rêvait que quelqu’un l’enveloppait de sa sollicitude, de son adoration, comme de ses deux bras. Mais ce quelqu’un n’avait pas de visage. Si elle parvient à se rendormir, peut-être le verra-t-elle mieux ? dans la réalité, elle ne connaît personne dont l’approche lui causerait autant d’émoi.

Mais le parfum du café est trop pénétrant, le soleil passe à travers ses paupières comme à travers un rideau rose. Elle ouvre les yeux, consulte sa montre. Décidément, elle n’a plus sommeil et elle n’est pas fâchée d’être éveillée et de recommencer à vivre.

Pourtant, elle n’est pas riche et c’est bien ennuyeux. Elle travaille tous les jours et ce n’est pas non plus très amusant. Pas un seul matin,