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courage dans la vie des Saints et des Martyrs ; et qu’elle avait décidé depuis bien longtemps aussi, de ne jamais rien refuser à Dieu, parce que tout passe en ce monde, et que seule importe la préparation à l’Éternité. Et dernièrement, comme elle pensait en plus qu’il faudrait bien des mérites pour sauver du mal et des dangers et des peines, ses chers dix enfants, elle était, heureuse au fond, de ressentir si terriblement le sacrifice de les quitter. Elle acceptait de bon cœur. Mais plus l’heure approchait, plus ce cœur saignait.

Et l’oncle-abbé ? L’oncle-abbé luttait à mort avec sa peine. Personne n’en devait rien voir. Puisque Monseigneur avait conseillé à Anne-Marie de suivre sa vocation, lui, prêtre, pouvait-il s’y opposer ? pour des motifs humains ? Il mettait aveuglément d’ailleurs sa confiance en Dieu, Le priait d’y voir. Mais il aurait eu bien honte, d’avouer ce qu’il désirait et espérait.

Anne-Marie acheta des toiles, du coton, des lainages, mais elle emporterait tout cela en pièces. Elle taillerait, ferait le trousseau au couvent. Ici, elle n’avait pas le temps. Et puis, la voir travailler ces choses, gâterait pour les autres, les derniers jours.

Le soir vint, où l’engagé descendit sa malle, la mit dans la voiture, pour les quatre milles qui la séparaient de la gare. Ce fut alors une scène bouleversante. Les enfants suppliaient : « Ne pars pas, ne pars pas Anne-Marie… » Les grands essuyaient leurs larmes, se mouchaient, en l’aidant à rassembler ses bagages. L’oncle, quand il l’eut bénie et embrassée, se détourna vite, ouvrit une armoire