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enthousiasme

la tête ; des bœufs blonds traînaient des charrettes, et les Basques nous amusaient vifs, gesticulants, et le béret toujours bien enfoncé…

C’était un temps de belle et insouciante vie. L’humeur égale, la gaîté du jeune ménage étaient pour moi un bel exemple de bonheur conjugal. Christiane reprochait souvent à son mari de n’avoir pas assez d’égards pour moi, mais j’aimais qu’il fût ainsi, empressé à la servir, à l’écouter, tout en prévenances ; cela enchantait le romanesque de mes vingt ans. La vie conjugale parfaite, c’était cela. Ah ! sûrement, il aurait pu être plus galant avec moi, tenir au moins mon manteau, quand nous nous vêtions pour sortir, mais non, il était tout occupé à voir si Christiane se couvrait suffisamment !

Un jour, nous nous étions mis en route pour aller voir des grottes célèbres. Au dernier moment, Christiane ne se sentit pas assez bien pour y descendre et braver tant d’humidité. Mais puisque nous étions rendus, elle voulait que nous y allions quand même. Elle nous attendrait en haut. Justement, un groupe partait. Ce ne serait pas si long, après tout.

Lui ne voulut pas et il se mit à badiner sur l’insignifiance de retourner encore nous promener sous terre, pour contempler quelques stalactites quand déjà nous en avions tant vu. L’important, c’était d’avoir fait un beau tour de voiture. Et puisqu’il payait le cocher, je n’avais rien à lui reprocher. Et il prétendit que cela ne m’amuserait pas non plus ; et puis, j’étais libre d’y aller, ils m’attendraient tous les deux bien gentiment…