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mousseline

et sans lui laisser le temps de dérouler le tissu de mensonges qui lui aurait composé une maladie acceptable, elle lui dit vite :

— Ne dételez pas. Vous allez reconduire Mousseline chez elle et dire à Mégras que j’irai faire les arrangements dans la journée.

Les arrangements furent ce qu’il y avait de mieux. Marie avait bien fait de ne pas congédier Nazaire. Il passait avec son cheval tous les matins devant chez Mégras. Il apporterait le lait de Mousseline. À la fin de l’été, Mégras remettrait ce qui resterait dû du montant payé pour Mousseline.

En définitive, nous étions mieux que les années passées et tout le monde était content. Nous avions le lait de Mousseline, un lait propre, riche et gras, et Mousseline restait chez elle. Quand nous passions en voiture ou à bécane, nous l’apercevions avec ses compagnes, dans son pacage rasé à fond, et d’où elle ne pouvait même pas voir les trains ! Et elle ne beuglait plus, elle mâchait comme si vraiment, elle arrachait sa subsistance de ce terrain rongé jusqu’aux racines.

Mousseline n’était pas uniquement belle. C’était une sentimentale qui préférait l’amitié et un pacage sec et poussiéreux, à la solitude du gras et vert pâturage !