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mousseline

il me faudrait retourner au village. Elle n’en avait pas donné deux pintes !

Elle se colla de nouveau au boqueteau d’épinettes, dédaigna une fois de plus le foin, tourna le dos à la mer, ne regarda même pas le train qui passait et exhala toute la journée sa douloureuse plainte.

À quatre heures de l’après-midi, de ma véranda, je vis un homme et une femme en boghei, passer notre barrière et aller vers le champ. Le vent m’apporta la voix de Marie, assez claire pour dominer le bruit de la mer et les tenaces beuglements.

Monsieur Mégras venait voir son ancienne vache. Il eut beau l’examiner, il ne lui trouva rien de malade ; et il eut beau lui parler, elle ne lui répondit pas. Elle cessa de meugler, croyant son but atteint. Elle était intelligente dans son entêtement, et pourtant elle se trompait. Il n’allait pas tout de suite la ramener. Il conseilla de la mettre le soir dans l’écurie — mais avec une litière ! — et de l’y laisser deux jours. Ensuite, elle serait probablement contente de retrouver le vent du large et elle serait habituée à sa solitude.

Une demi-heure plus tard, je vis revenir Marie avec Julianna. Nazaire, qui devait préparer la litière, était grognon. Elles avaient alors offert de venir toutes les deux chercher la vache. Les deux bonnes étaient des citadines — comme moi en ce qui regarde les animaux domestiques — il n’avait pas été question de leur confier cette tâche.