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poilu

rapiécés et qui restaient miraculeusement gonflés. Cela roulait et les gamins avaient beau passer dans la vitre, parce qu’ils regardaient toujours ailleurs qu’à terre, les pneus ne crevaient même pas.

Au petit chemin marqué « Saraguay », ils quittaient la Côte de Liesse et s’enfonçaient dans la campagne, vers la côte Vertu, les Bois Francs… Les maisons commençaient à exprimer une telle paix, un tel contentement, avec leurs visages bien ouverts et souriants au soleil, que même des enfants de ville comme eux le sentaient et Pierrot disait :

— Quand je serai grand, j’t’le dis, j’en aurai moi, une ferme…

Mais lorsqu’ils étaient derrière l’aéroport, il ne savait plus s’il n’aimerait pas mieux devenir aviateur. Comme à une gare, — et en vérité, c’était une gare, — les bombardiers d’argent, les gros avions de voyageurs arrivaient les uns après les autres. C’était merveilleux de les voir atterrir comme s’ils étaient sur un rail invisible d’abord aérien, puis qui continuait sur le gazon. Sans secousse, les beaux avions descendaient et roulaient ensuite sur le sol beaucoup plus doucement qu’un train. Ils paraissaient solides, de tout repos. Pierrot avait le cœur envahi du désir d’y monter.

Il disait :

— Si j’ai ma ferme, ou si c’est encore la guerre, peut-être que j’m’ferai aviateur. Toi ?