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poilu

famille. On prenait forcément l’habitude de compter avec les autres. On devait souvent accepter de prêter sa balle, son traîneau ou ses skis. L’égoïsme avait ainsi moins de chance de se développer. On se détachait des biens de ce monde, avant de les avoir jamais possédés, — ou du moins on apprenait à partager.

Une seule chose appartenait en propre à Pierrot, c’était son chien Poilu. Poilu était un chien trouvé. L’ancêtre qui l’avait le plus marqué de ses traits caractéristiques était épagneul. La tête et les oreilles avaient de la race, mais le poil, les pattes s’étaient gâtés. Tout de même Poilu était une bête dont on louait à tout propos les yeux intelligents. Pierrot et Poilu étaient devenus comme saint Roch et son chien ! Jamais on ne voyait l’un sans l’autre. Jamais, sauf en classe, et il faut dire à l’honneur de Poilu qu’il chercha maintes fois à se faufiler jusque-là.

C’était d’ailleurs aux abords de l’école que Pierrot avait rencontré Poilu. Un Poilu efflanqué, l’air suppliant et malheureux à l’ombre de ses longues oreilles, et qui soudain, au coin d’une ruelle, se mit à suivre l’enfant. Avait-il senti que ce gamin aimait les animaux comme pas un, et qu’il les avait toujours aimés, tous, sans exception ?

Pierrot avait commencé sa carrière en rapportant à sa mère un jour de pluie, une poignée de gros vers, et en disant, ravi :

— Regarde, maman, les belles petites bibites que j’ai trouvées…

Pour une fois, il avait été rabroué.