Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
enthousiasme

La famille habitait en bas de Notre-Dame-de-Grâce, un de ces grands flats devenus bon marché pendant la dernière crise, d’abord parce qu’ils se démodaient, et ensuite, parce que les trains passaient tout auprès de plus en plus nombreux. La fumée, la suie qui pleuvaient à cœur de jour et de nuit sur le voisinage aidaient souvent Pierrot à avoir les oreilles et la figure sales. Les rideaux aussi se ternissaient vite chez les Fleury, et ce n’était pas pour alléger la tâche de la mère des huit enfants, dont les âges s’échelonnaient entre seize et deux ans.

Celle-ci trimait du matin au soir ; pourtant, elle se contentait d’être propre, sans exagération. Elle ne gâtait la vie de personne avec ses exigences de ménagère. Il n’y avait qu’un règlement à observer fidèlement : faire son lit, ramasser ses traîneries, accrocher les vêtements qui ne servaient pas, mettre les sales dans le panier à linge.

À part ça, les enfants pouvaient, s’ils n’abusaient pas, laisser ici et là leurs jouets ; à certaines heures, les pièces où l’on vivait pouvaient prendre un certain air de désordre, par exemple, si les petits jouaient aux chemins de fer avec les chaises. La maman estimait qu’ils en avaient le droit, leur père n’ayant pas les moyens de les fournir de trains mécaniques et encore moins de trains électriques !

Les plus grands devaient garder parfois les plus petits. Ils devaient aussi les secourir. Père et mère répétaient à l’envi que les frictions des uns et des autres formaient le caractère, et qu’il fallait remercier le ciel, si l’on grandissait dans une grosse