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enthousiasme

Le hobo tremblait comme une feuille, grelottant, claquant des dents. Mais il avait voulu voir les Rocheuses, il les voyait, il ne pouvait pas le regretter. Il put lire sur un écriteau : « SUMMIT KICKING HORSE PASS » — 6,632 pieds. Le train allait maintenant redescendre vers le Pacifique. Louis commençait à s’inquiéter. Il attendait plus tôt les tunnels. Tout à coup, le paysage devint extraordinaire. Le fond de la vallée dégringola et disparut et les montagnes se resserrèrent. La voie s’accrochait maintenant au flanc escarpé, pendant que la rivière, la « Kicking Horse », cascadait beaucoup plus bas. Le train devait descendre, mais comment le ferait-il ? Il ne pouvait plus zigzaguer d’un côté et de l’autre pour s’appuyer sinon sur une pente douce, du moins sur une pente modérée. Comme Louis se perdait en conjectures, le train soudain s’engouffra dans le premier tunnel.

Et ce tunnel, qui avait tant inquiété le jeune homme, l’accueillit avec un air chaud et humide bien réconfortant après le vent glacial des hauteurs. Il y régnait une odeur d’huile, mais supportable, ni suffocante, ni dangereuse. Le train entré dans la montagne tourna et ressortit vis-à-vis de l’endroit où il était entré, mais à une cinquantaine de pieds plus bas. Puis il y eut un second tunnel en spirale et une autre sortie encore à cinquante pieds en dessous. Dans les quatre milles qui suivirent, le train gagna ainsi le fond du col qui semblait auparavant si terriblement bas. Deux autres tunnels plus courts, puis le beau paysage où nichait Field apparut.