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enthousiasme

parce qu’elle grimpait de plus en plus. À deux endroits, cette rivière endiguée formait un lac que la voie ferrée se complaisait à longer. Mais les montagnes attiraient surtout le regard du jeune hobo émerveillé. Elles montaient, formaient une muraille gigantesque et il se demandait où le train trouverait un col pour se faufiler. Jusque là, le ciel avait été serein, mais voici qu’au nord flottaient, de gros nuages noirs, et soudain, à distance, Louis vit qu’ils crevaient et laissaient tomber un lourd rideau de pluie.

— Pourvu que ça ne vienne pas de mon côté, se dit-il, pinçant le mince tissu de son coupe-vent d’un doigt inquiet.

Son souhait parut d’abord exaucé. L’orage continuait vers le nord. La voie semblait hésiter, allant de droite à gauche, une courbe n’attendant pas l’autre ; et la locomotive explosait toujours uniformément. Pour un temps, le train parut se diriger du côté sud, puis foncer sur la montagne. Mais non ! un défilé s’ouvrait, s’élargissant à mesure que le train s’en approchait. Pour gagner de l’altitude, sans donner une pente trop forte à la voie, les ingénieurs l’avaient fait serpenter d’un côté à l’autre du col dont le fond était assez plat. La rivière aux eaux vertes suivait toujours. Les pics bornaient de leurs neiges éternelles le paysage tout entier.

Mais Louis, malgré son émerveillement, sentit soudain le froid le pénétrer. Le soleil continuait à briller, mais un fort vent s’était levé et agitait les sapins et l’armée de bouleaux gardant la voie. Une heure et demie après l’entrée dans ce défilé,