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enthousiasme

— À demain soir, donc. J’vais vous chercher à neuf heures. Ménagez vos forces dans la journée…

— Entendu. Au revoir Guy.

Sa voix résonna, gaie, cristalline, et comme la clochette de la porte et celle des carrioles, cette voix était un chant de joie. Mais aussi, ce serait si beau, aller à travers la montagne, dans la nuit de Noël, jusqu’à la petite chapelle de Sainte-Marguerite. Et avec Guy tout à elle. Elle chaussa ses skis, et partit, la figure en proue, et les lèvres ouvertes pour sourire. Aurait-on pu penser qu’elle était pauvre, qu’elle traversait des jours inquiets, et se débattait dans une situation qui paraissait désespérée ? Car sa mère l’avait bel et bien répété. Le jour de l’an passé, elles s’en iraient en ville. Elles n’avaient pas le sou. Elles seraient aux crochets de ses frères, donc des belles-sœurs, qu’elles léseraient dans leur droit et leur bien-être. Yvette comprenait cela et Yvette ne voulait pas cela. Si sa mère persistait, elle s’engagerait pour travailler aux munitions ! Et le rouge lui montait au front. Elle avait dit tout à l’heure qu’il n’y avait pas de sot métier. Mais travailler ainsi, pour elle, ce serait le pire. Elle frissonnait, des pieds à la tête, rien qu’à penser à la promiscuité des usines. Elle était sauvage et belle et elle avait l’âme de sa coiffure d’impératrice.

Mais elle s’avançait maintenant sur le chemin, l’âme remplie d’un pressentiment de bonheur. Pour Guy et elle, tout ne devait-il pas changer ? Et puis, si elle avait tort d’espérer vaguement des choses, le froid vif, à lui seul, la rendait heureuse.