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enthousiasme

semaine, les jumeaux recevaient de la maison, ils les partageaient avec deux compagnons absolument déshérités ; un orphelin, et un autre qui avait été élevé dans une crèche.

Un dimanche qu’ils devaient venir en congé de Valcartier, ils demandèrent d’amener avec eux l’orphelin, qui ne pouvait jamais profiter de ses permissions, parce qu’il n’avait nulle part où aller.

La mère accepta de le recevoir, bien sûr, si contente qu’elle était de constater le bon cœur de ses enfants, et ce dimanche-là, d’ailleurs, où le pauvre fut reçu à leur foyer déjà bien rempli, fut un dimanche bien joyeux. Cette jeunesse-là trouvait le moyen d’être drôle et gaie, malgré cette guerre qui les menaçait si directement. Il y avait des incidents comiques à raconter, à mimer, et des blagues, des taquineries à faire. C’était si bon de manger à la maison, le pain de ménage et le poulet rôti…

Ils repartirent avec un courage nouveau, comme des hommes. Dans leur première lettre, ils annoncèrent qu’ils amèneraient la prochaine fois, l’autre copain, celui qui n’avait jamais eu de parents.

Hélas, pourquoi faut-il qu’une si belle histoire finisse tristement ? L’hiver était venu. On faisait des manœuvres avec les gros engins de guerre mécaniques. Dans une côte glacée et dangereuse, un tracteur capota. André le conduisait. André fut tué.

Un pareil fait divers, on peut en lire tous les soirs dans les journaux, sans y attacher d’importance, sans en souffrir, mais que l’on entre dans