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enthousiasme

sur sa nuque des yeux qui se fixent, elle se retourne brusquement. Et ces gens, au premier abord, sont un peu désappointés. Le nez est coupé trop court. Le teint n’a rien d’extraordinaire. Oh ! comme les autres, elle pourrait l’améliorer, mais elle ne s’en préoccupe pas tous les jours. Souvent même, ses lèvres sont à peine rougies. Elle leur a bien passé le bâton, avant de quitter sa chambre, mais depuis — comme elle le dit en riant — Mathilde a eu le temps de manger tout ce qu’elle en avait mis !

Non, de profil, surtout à cause de ce nez coupé court, Mathilde n’est vraiment pas à son avantage. Il faut lui faire faire volte-face, et la voir parler ; là, elle reprend le dessus.

La boucle de cheveux mordorés sur le front, les yeux gris larges ouverts, les cils, les sourcils noirs, les dents très blanches, et l’expression surtout, achèvent n’importe quelle conquête. En somme, la beauté de Mathilde c’est un peu celle d’une Simone Simon. Intelligence, vivacité, enthousiasme logés sous un minois un peu trop chiffonné.

Mais Simone Simon sur l’écran, joue la candeur, la joie, l’élan. Mathilde ne joue pas, elle est ainsi et plus naturelle enfant ne vit jamais le jour ! En elle, l’enthousiasme et l’ardeur dominent tout. Aussi, à la maison se moque-t-on généreusement d’elle. Un éclat de rire des trois frères arrête son éloge dithyrambique du pianiste ou du chanteur qu’elle vient d’entendre. On accueille avec une amicale ironie sa passion pour certains livres, certains tableaux, certains héros de roman, cer-