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cesse sa théorie sur la chose, s’énamourant lorsqu’elle disait :

— Un homme qu’on suce ou qu’on veut sucer, ma chérie, il faut qu’il sente toute notre personne dans le pli de notre bouche, dans l’expression de nos yeux ; il faut, pour le soumettre à notre charme, faire un poème de ce plaisir. Ça ne m’est venu qu’avec le temps, et j’y étais si passionnée, si maîtresse du mâle que j’y attirais, que je n’eusse jamais cru possible de m’en passer. Il a fallu la crainte de tuer Stani. Vois-tu, quand je sentais ce désir chez l’homme qui me fréquentait, je savais figer mes yeux dans une telle expression d’amour et de volonté, que déjà il était paralysé dans ses facultés. Puis ma bouche se rapetissait, rapetissait et pour eux, elle leur apparaissait, j’en suis certaine, comme l’entrée du paradis. Mon visage se mettait à l’unisson, et si j’avais besoin de l’effet de mes chairs, elles n’en restaient pas moins qu’une chose accessoire.

— T’entendre parler de cela, Irène, donne des frissons.

— Maîtresses de notre bouche, entends-tu, nous sommes les maîtresses des sens de l’homme : et je me suis rendu compte de ce