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les couchettes et le couple avait à lui seul le gaillard pour champ-clos. Donkin, l’indigent, dans ce nouveau personnage, éveilla l’intérêt général. Il dansait, dépenaillé, devant le Finnois ahuri, esquissant des attaques du poing dans la direction du lourd visage que nulle émotion n’altérait. Deux ou trois spectateurs encouragèrent le jeu d’un : « Vas-y, Whitechapel ! » en s’installant voluptueusement dans leurs lits pour suivre la lutte. D’autres crièrent : « Ta bouche !… Ferme ça !… » Le vacarme recommençait. Soudain, une succession de coups frappés au-dessus de leurs têtes avec un anspect résonna comme une petite canonnade dans tout le gaillard. Puis la voix du maître d’équipage s’éleva derrière la porte, une note de commandement dans son accent traînard :

— As-tu entendu, vous autres en bas ? Tout le monde derrière ! Tout le monde derrière pour faire l’appel !

Il y eut un moment de silence étonné. Puis le plancher du gaillard d’avant disparut sous des hommes sautés de leurs couchettes avec un flop ! de pieds nus. On repêcha des bonnets dans des plis de couvertes dégringolées. Quelques-uns, en bâillant, boutonnaient des ceintures de pantalons. Des pipes à moitié fumées se vidaient heurtées contre le boisage, avant de disparaître, poussées sous des oreillers. Des voix grognèrent : « Qu’est-ce qu’il y a ? On peut pas dormir ?… » Donkin jappa : « Si c’est comme ça que ça se passe sur ce bateau-ci, faudra voir à y voir !… Laissez-moi faire, ça traînera pas… »

Personne ne faisait attention à lui. Ils sortaient par paquets de deux et trois pressés dans la porte, à la mode des matelots du commerce qui ne savent pas prendre une porte franchement, comme de simples terriens. L’apôtre des réformes suivit. Singleton, enfilant sa vareuse, passa le dernier, massif et paternel, portant haut sa tête de sage