disait une nuit récente dans la boue d’un fossé. Après avoir sauvé sa fainéante carcasse de destruction violente en désertant d’un vaisseau américain à bord duquel, en un moment d’oublieuse folie, il avait osé s’engager, ç’avait été une quinzaine à terre à battre le quartier indigène, à crever de faim, à coucher sur des tas d’immondices, à errer au soleil. Ce visiteur imprévu sortait des cauchemars. Il restait là, répugnant, à sourire dans le silence soudain tombé. Ce poste d’équipage tout blanc et frais lavé lui offrait un refuge ; sa fainéantise pourrait s’y vautrer et s’y nourrir, en maudissant le pain de sa bouche ; ce champ s’ouvrait à ses talents pour esquiver les tâches, pour tricher, pour mendier ; il trouverait là, sans faute, quelqu’un à duper et quelqu’un à brimer, et on le paierait pour tout cela.
Tous le connaissaient bien. C’était l’homme qui ne saurait pas gouverner, pas faire une épissure, qui bouderait à la besogne par les nuits noires ; qui, dans le gréement, se cramponnerait frénétique, des bras et des jambes en jurant contre le vent, le grésil, l’ombre ; l’homme qui maudit la mer tandis que les autres peinent. Le dernier dehors, le premier rentré à l’appel de : Tout le monde sur le pont. L’homme incapable de faire les trois quarts des choses et qui ne veut pas faire les autres. L’enfant gâté des philanthropes et des marins d’eau douce, ses pareils. Le sympathique et méritoire individu jaloux de tous ses droits, mais qui ne veut rien connaître de l’endurance, du courage, de la confiance inexprimée ni du pacte de tacite bonne foi qui lie les membres d’un équipage. Le rejeton frondeur de la basse licence faubourienne, plein de dédain et de haine pour l’austère servitude de la mer.
Quelqu’un lui cria :
— Comment t’appelles-tu ?