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À Marceline Desbordes-Valmore


Tandis que sonneront autour du monument
les fanfares ; tandis que, solennellement,
vêtus de noir et cravatés de blanc, très dignes,
d’autres feront à ton bronze l’honneur insigne
de le saluer par d’admiratifs discours,
moi, je veux évoquer ta pensée inquiète,
et causer avec toi, de poète à poète,
loin du bruit et dans l’ombre où tu te plus toujours.
Car le tumulte effarouchait ton âme tendre
et très simple. Peut-on, parmi la foule, entendre
s’exhaler un soupir, s’étouffer un sanglot ?
Pas plus que l’on n’ouït sous le fracas des armes,
ou dans le formidable grondement des flots,
sourdre, jaillir, rouler et tomber une larme.

Oui, c’est bien sous le ciel du vieux pays flamand,
ciel de grisaille où vont, mélancoliquement,
les nuages teintés parfois de reflets fauves,
que tu naquis, Desborde, et ton esprit charmant
eut la langueur de nos lointains aux brumes mauves.
Tu fus mélancolique et triste comme lui,
et sur l’harmonieux envol de ton lyrisme,
quand l’éclair fulgurant des passions a lui,
plane un ressouvenir de notre ciel sans prisme.