Nous partons demain pour les Ordres, et je ne puis cette semaine avoir le plaisir de te voir : il seroit inutile de te marquer toute la peine que j’en ressens ; tu dois assez me connoître pour en être convaincue ; mais notre voyage ne sera pas de longue durée ; c’est ce qui me console, et sous la huitaine je me dédommagerai. Car, Monsieur le Prieur nous a promis une récréation de trois jours ; tu dois t’imaginer vers qui je la passerai ; mais une difficulté se présente ; comme cette faveur doit s’étendre sur tous, nous devons la prendre de deux à deux, et Vernier qui est mon ami, m’a proposé de m’accompagner, je n’ai pu lui refuser : c’est celui que tu vis l’année derniere ; il est de la connaissance de Madame Rose ; c’est un bon enfant, et le seul de nos confreres qui sçache ce qui se passe à l’abbaye ; les autres n’en sçavent rien : le professeur n’ayant pas encore jugé à propos de les laisser venir : ainsi cela ne nous gênera point ; il pourra s’amuser de son côté, nous du nôtre. Jusqu’à cet heureux moment, conserve ta santé, je ménage la mienne pour te procurer tout le plaisir dont je serai capable.