— Non, trancha Pétrovitch, c’est impossible ! À votre place, quand viendront les froids, je me taillerais là-dedans des bandes molletières, parce que, voyez-vous, les bas, ça ne tient pas chaud, c’est une invention des Allemands pour mieux se remplir la poche. (Pétrovitch s’en prenait volontiers aux Allemands.) Et je me commanderais un manteau neuf. »
Le mot « neuf » faillit aveugler Akaki Akakiévitch ; tous les objets se confondirent brusquement devant ses yeux dans une sorte de brume, à travers laquelle il ne distingua plus que le général au visage de papier qui ornait la tabatière de Pétrovitch.
— Un manteau neuf ! prononça-t-il enfin comme en rêve… Mais où prendre l’argent ?
— Oui, un neuf, répéta flegmatiquement ce monstre de Pétrovitch.
— Et si, par hasard, je m’en faisais un neuf, qu’est-ce que… Voyons… n’est-ce pas…
— Combien coûtera-t-il, voulez-vous dire ?
— Précisément.
— Trois billets de cinquante roubles au bas mot, dit Pétrovitch en se pinçant les lèvres. Il aimait les gros effets, prenait plaisir à embarrasser les gens pour regarder en dessous quelle mine ils faisaient.
— Cent cinquante roubles, un manteau ! s’exclama, pour la première fois de sa vie, sans doute, le malheureux Akaki Akakiévitch, qui d’ordinaire parlait à voix très basse.
— Certainement, dit Pétrovitch ; et encore, ça dépend de quel manteau il s’agit. Si vous voulez un col de martre et un capuchon à doublure de satin, il faudra compter deux cents roubles.
— Au nom du Ciel, Pétrovitch, implora Akaki Akakiévitch sans vouloir entendre les propos du tailleur, ni prêter attention à ses effets ; au nom du Ciel, répare-le tant bien que mal, de façon qu’il me fasse encore un bout de service !