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cette heure-là donc, où tous les employés se dispersent dans les minuscules logements de leurs amis pour y jouer un whist infernal tout en dégustant des verres de thé accompagnés de biscuits d’un sou, en fumant de longs chibouques, en racontant, tandis qu’on donne les cartes, un de ces commérages du grand monde dont le Russe ne saurait se passer, ou en ressassant, faute de mieux, l’éternelle historiette du commandant de place avisé par un plaisantin que le Pierre le Grand de Falconnet a vu couper la queue de son cheval ; bref, à cette heure-là où chacun tâche de se distraire, seul Akaki Akakiévitch ne se permettait aucun délassement. Personne ne pouvait se souvenir de l’avoir jamais aperçu à une soirée quelconque. Après avoir écrit tout son saoul, il se couchait en souriant d’avance à la pensée du lendemain : quels documents la grâce de Dieu lui confierait-elle à copier ? Ainsi s’écoulait dans la paix la vie d’un homme qui, avec quatre cents roubles de traitement, se montrait content de son sort ; et sans doute eût-il atteint de la sorte une extrême vieillesse si, en ce bas monde, toutes sortes de calamités n’attendaient pas les conseillers titulaires, voire les conseillers secrets, virtuels, auliques, etc., enfin les conseillers de calibre divers, même ceux qui ne donnent ni ne demandent de conseils à personne.

Un puissant ennemi guette à Pétersbourg les personnes qui jouissent d’un traitement de quatre cents roubles ou approchant. Cet ennemi, c’est notre climat septentrional, que l’on dit cependant fort sain. Le matin, entre huit et neuf, à cette heure où les employés s’en vont à leur ministère, le froid est justement si piquant et s’attaque avec une telle violence à tous les nez sans discernement que leurs malheureux propriétaires ne savent où se fourrer. Quand le froid donne de telles chiquenaudes au front des hauts fonctionnaires que les larmes leur jaillissent des yeux, les pauvres conseillers titulaires se trouvent parfois sans défense. Il ne leur reste qu’une chance de salut : s’envelopper de leur maigre pardessus et gagner en