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son âme sentimentale ; où la poussent des souvenirs multiples, symbolisés en un seul monument commémoratif, comme, par exemple, celui que l’État a élevé à la mémoire des combattants morts pendant le siège de Paris.

Cette pyramide, au pied de laquelle quatre soldats de bronze, d’armes différentes, montent leur éternelle faction, est devenue le lieu de pèlerinage de toutes les malheureuses familles, dont les enfants, partis pour les guerres coloniales lointaines, ne sont pas, hélas ! revenus.

Aux jours des grandes fêtes mortuaires, l’homme le plus sceptique ou le plus endurci ne peut rester impassible devant la grille de ce monument où défilent les vêtements noirs des mères, des sœurs, des fiancées. On y aperçoit, accrochés aux barreaux de fer, des photographies dans des cadres de deuil, des bouquets d’immortelles, des rubans tricolores voilés de crêpe ; on y lit des adieux touchants, on y entrevoit des désespoirs sans bornes. Et l’on devine parfois, dans ces petites vieilles femmes voûtées, agenouillées devant cette grille, un pauvre cœur de mère qui saignera toujours ! Il y a là les noms des victimes du Sénégal, de la Tunisie, du Soudan ; mais surtout, surtout, du Tonkin et de Madagascar.

Oh ! cet hôpital de Marololo : ce lieu de souffrances, de misères et de mort ! Comme ces quatre syllabes barbares reviennent fréquemment sous les yeux de ceux qui parcourent les inscriptions fixées à la grille ; comme elles apparaissent obsédantes et cruelles par les visions quelles suscitent !


monument de m. tirard, par saint-marceaux



Avec ses deux hautes cheminées dont l’une fume constamment, le Monument crématoire se dresse, assez majestueux, dans la zone extrême du cimetière. Trois larges bandes de terrain où fleurissent des roses, des géraniums, des résédas,