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François d’Aix de la Chapelle. C’est cette dernière dénomination de « Terres du Père-Lachaise » qui a survécu jusqu’à nos jours.

Sous la Convention, on voulut faire de ce domaine, considéré comme propriété de l’État, un lieu de sépultures ; mais la tourmente politique passa, emportant les hommes et leur projet.

Enfin, Napoléon Ier reprit l’œuvre de la Convention ; il confia à l’architecte Brongniart le soin d’opérer les transformations nécessaires, et le 21 mai 1804 eut lieu l’ouverture officielle de la nouvelle nécropole.

Le promeneur qui foule aujourd’hui le sol des allées ombragées du Père-Lachaise ; celui qui se perd dans la multitude des tombes, dans l’enchevêtrement des lierres grimpants, des arbrisseaux de jadis devenus des arbres magnifiques ; celui dont l’œil s’étend à perte de vue sur cet entassement de mausolées qui donne l’impression d’une ville blanche d’Orient, ne peuvent s’arracher à la poignante émotion que leur cause ce spectacle de la Mort, victorieuse partout, agrandissant son territoire par une conquête continue, sans trêve, sans répit, en formidable mangeuse d’hommes.

On estime que, dans une vingtaine d’années au plus, il ne restera pas un pouce de terre à céder en cet endroit qui renferme, à l’heure actuelle, quatre-vingt mille deux cent cinquante tombes. Ajoutons, pour les amateurs de statistique, que cela représente, d’après des calculs qui n’ont rien d’exagéré, une somme de plus de quatre cents millions, dépensée par les générations qui se sont succédé depuis moins d’un siècle.

Le terrain, à lui seul, s’élève de nos jours, à un prix rarement dépassé dans les quartiers les plus luxueux de Paris. Le premier et le deuxième mètre se vendent chacun 1,050 francs ; le troisième ainsi que le quatrième, 1,575 francs ; le cinquième et le sixième, 2,100 francs. Enfin, quand cette limite est dépassée, chaque nouveau mètre de concession est taxé à 3,150 francs.


monument de casimir périer

En appliquant cette règle d’évaluation à l’espace occupé par des monuments comme celui de Casimir Périer ou celui de Thiers, on trouve que le premier vaudrait aujourd’hui 600,000 francs ; le second, 120,000 francs.



Nul peuple ne conserve mieux que le nôtre, avec un soin jaloux, la vénération de la mémoire de ses enfants illustres. Ingrat souvent envers eux de leur vivant, il sait toujours leur assigner dans l’immortalité la place qu’ils méritent. Et c’est pourquoi bien rares sont les tombes des hommes célèbres qui ne reçoivent pas, aux grandes dates mortuaires, avec la visite des foules, l’hommage de leur reconnaissance ou de leur admiration.

C’est en rangs pressés que l’on défile en cette large avenue Principale, qui s’étend de la porte d’entrée monumentale jusqu’au pied de la Chapelle. Là, chaque nom tracé sur la pierre ou sur le marbre réveille un souvenir glorieux. Là, dorment, dans les rapprochements étranges, presque ironiques, que la Mort