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nymat. Nous essaierons plus tard de faire des recherches à ce sujet, et de compléter ainsi notre travail sur les femmes auteurs dramatiques en France.

Parmi les auteurs qui travaillent aujourd’hui pour les théâtres de Paris, on remarque plusieurs femmes, et la plupart d’entre elles ont obtenu du succès. Aux Français, la spirituelle Mme de Bawr et Mme Ancelot ; à l’Opéra-Comique, Mme Sophie Gay, auteur du Maître de Chapelle et du Chevalier de Canolles. La première de ces pièces a été faite avec Alexandre Duval. On a joué l’hiver dernier à l’hôtel Castellane une comédie de Mme Gay, la Veuve du Tanneur, qui a deux ou trois pièces dans le répertoire de Lepeintre. Parmi les compositeurs citons Mlle Louise Bertin, Mme Gail, auteur des deux Jaloux, et Mlle Loïsa Puget, qui ne se bornera pas, nous l’espérons, à un premier succès. Enfin le vaudeville a donné récemment une petite comédie de Mme Niboyet, faite en société avec M. Louis Lurine.

Un auteur écrivait à la fin du siècle dernier : « Nos bons Parisiens qui se piquent de tant d’égards pour les femmes en montrent bien peu pour les ouvrages qu’elles risquent au théâtre. » C’est ce qu’on a pu voir facilement à chaque page de cet article. Elles étaient alors entre la critique amère des gens de lettres, et l’injustice ou la sévérité sans appel du public. Mais heureusement ces temps d’orage sont passés. Les femmes qui écrivent pour la scène comprennent enfin, il est vrai, que leur genre, à elles, c’est la comédie de Marivaux et la comédie sentimentale, où elles peuvent arracher de douces larmes et exciter un léger sourire. Les plaisanteries et les farces équivoques de nos vaudevilles ne sont point de leur domaine, et jamais, quoi qu’en dise Mme de Genlis, elles n’ont réussi dans le genre tragique. Voltaire a dit que, pour y parvenir, il fallait avoir le diable au corps, et dans une phrase énergique qu’il est impossible de transcrire ici, le philosophe déclara que jamais une femme ne ferait une bonne tragédie. Quant au drame, non point la comédie de l’école larmoyante, mais ce drame qui de nos jours a remplacé la tragédie, une seule femme pourrait maintenant l’aborder avec succès, c’est l’auteur d’Indiana et de Valentine, qui, dans chacune de ses admirables productions, a su vérifier le mot de Diderot sur les femmes : « Quand elles ont du génie, je leur en crois l’empreinte plus originale qu’en nous. »

CHARLES RICHOMME.
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