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time. À la première représentation, au moment du lever du rideau, Mlle Sylvia, chargée du principal rôle ; se présenta sur la scène et récita les vers suivans qui furent fort applaudis :

On vient souvent, messieurs, pour vous séduire,
Par un long compliment mendier un succès.
Mais nous n’avons que deux mots à vous dire :
L’auteur est une femme, et vous êtes français.

La célèbre Marie Favart, que tout Paris est venu applaudir cet hiver sous les traits piquans et spirituels de Mlle Déjazet, a travaillé pour l’Opéra-Comique. Le cinquième volume des œuvres de son mari contient six pièces qu’on lui attribue : Bastien et Bastienne, les Ensorcelés, la Fille mal gardée, la Fortune au Village, la Fête d’Amour, Annette et Lubin. Mais Mme Favart ne put échapper à la loi commune. On prétendit qu’elle n’était pas l’auteur des pièces qu’elle donnait sous son nom. Lors des premières représentations d’Annette et Lubin, parut une chanson nouvelle à l’endroit d’une femme auteur, dont la pièce est celle d’un abbé. Voici le premier couplet qui n’a d’autre mérite que sa méchanceté. Il est question de Voisenon.

Il était une femme,
Qui pour se faire honneur,
Se joignit à son confesseur :
Faisons, dit-elle, ensemble
Quelqu’ouvrage d’esprit,
Et l’abbé le lui fit.

Le Procès, ou la Plaideuse, pièce en trois actes, musique de Duni, qui eut un certain succès au Théâtre-Italien en 1762, fut donnée sous le nom de Mme Favart ; on l’attribue à Voisenon.

Passons aux actrices du Théâtre-Français. Mme Bellecour, soubrette distinguée, fit en société avec Dugazon et Laharpe une comédie en vers libres :Molière à la nouvelle Salle, qui obtint du succès. Elle eut aussi beaucoup de part à Zulima, opéra-comique de Dezèdes, joué en 1778. Quelques années après, le 1er mars 1782, la foule se précipitait à la Comédie-Française pour assister à la première représentation de Henriette, drame en trois actes, de la célèbre Raucour. Cette pièce, imitée d’une comédie allemande ou d’une pantomime que l’auteur vit jouer à Varsovie, eut un grand succès de vogue. Ce n’est pas un ouvrage remarquable ; mais elle est bien construite, et son style assez élégant ; le second acte surtout est fort bien. Bachaumont, qui n’est pas flatteur, en constate le succès. L’auteur, charmante sous l’uniforme prussien, fut rappelée avec enthousiasme, et Molé, qui l’avait dignement secondée, la ramena sur la scène. Mais les ennemis de Mlle Raucour se déchaînèrent contre elle, et prétendirent qu’elle n’était que le prête-nom de Durosoy. On répandit même partout une infâme chanson dans laquelle on insultait grossièrement l’auteur d’Henriette; elle se trouve dans les mémoires secrets. Mlle Raucour fit im-