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UNE REPRESENTATION DRAMATIQUE AU CANADA.

Le 28 février 1835, une vive agitation se faisait remarquer dans Montréal. Tous les traîneaux de cette ville et des environs, attelés d’un ou de plusieurs chevaux, glissant dans toutes les directions sur l’épaisse croûte de glace qui depuis tantôt cinq mois recouvrait le pavé des rues étroites et tortueuses, y traçaient leur double sillon, et s’arrêtaient successivement aux portes des maisons où les divers comités politiques ont coutume de se réunir. Le mouvement des piétons n’était guère moins actif, bien que le menu peuple y restât totalement étranger : sous les larges manteaux et les masques fourrés, on distinguait seulement des officiers de la garnison anglaise, des membres du parlement provincial, des avocats, des négocians et en général des messieurs.

On eut dit qu’il était arrivé quelqu’une de ces fréquentes rixes qui s’élèvent sous le plus léger prétexte entre les soldats anglais et les canadiens d’origine française ; que les sanglans excès de la rue du Meurtre s’étaient renouvelés, et qu’on avait à déplorer la mort d’un nouveau Barbeau, d’un nouveau Louis Marcoux ; ou bien que la chambre d’assemblée, fatiguée de voir les bills élaborés et votés par elle, constamment rejetés par le conseil législatif, pairie au petit pied du gouverneur général lord Aylmer, se disposait à secouer le joug de l’Angleterre et à proclamer l’indépendance du Canada ; ou bien encore qu’il s’agissait de l’élection d’un représentant à la chambre d’assemblée, et que les voteurs, près de se rendre au poll, s’attendaient à avoir affaire au bâton noueux des bulles irlandais, qu’en pareille occasion les loyaux ou bureaucrates, pour le triomphe de la bonne cause, c’est-à-dire des intérêts anglais, lâchent comme des dogues sur les réformateurs. Mais ce n’était rien de tout cela. Il y avait déjà quatre mois que Montréal était à peu près tranquille : le parlement provincial poursuivait assez paisiblement le cours de ses travaux, et les élections pour la quinzième session législative étaient entièrement terminées depuis le mois de novembre pré-