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Les deux ingénieurs se mirent à l’œuvre. Le résultat de leur travail fut de livrer à la consommation parisienne un volume supplémentaire de 80 pouces d’eau. Les pompes, placées sur un échafaudage analogue à celui qui existe aujourd’hui, furent renfermées dans un pavillon dont la porte, dessinée par Pierre Bullet, attira surtout les regards des artistes et des lettrés. Cette porte ornée de deux bas-reliefs, chef-d’œuvre de Jean-Goujon, et débris d’un édifice antérieur, portait au-dessous d’un médaillon de Louis XV une inscription en vers latins du célèbre Santeuil. Elle fut traduite en vers français par P. Corneille.

Ces pompes, réparées à différentes époques et notamment en 1678 et en 1708, fournissent encore 70 pouces d’eau fluviale.

fulgence girard.


Cascades de l’Oued-el-Roumel



Cascade de l’Oued-el-Roumel (Constantine), d’après une photographie de M. Monthier.
Le site de Constantine, ce sauvage et pittoresque amphithéâtre de rochers, où trônait l’antique Cirta, est un des paysages les plus curieux, dans sa conformation violente, que présente le sol si tourmenté de l’Afrique française. Le ravin profond qui le contourne, ses flancs escarpés qui, sur plusieurs points, donnent à cette gorge l’aspect d’un abîme, les eaux, écumeuses qui roulent et bouillonnent au fond, révèlent le caractère convulsif de la crise du globe où la science indique l’origine de ces âpres lieux.

C’est ce ravin phénoménal que notre gravure présente à l’attention du lecteur. Le torrent qui forme ces cascades est le Rummel ou, pour reproduire plus littéralement le nom arabe, l’Oued-el-Roumel, un de ces écoulements par lesquels les sommets et les plateaux du Tell algérien versent leurs eaux pluviales dans le bassin de la Méditerranée.

Le Rummel n’est pas remarquable par le volume de ses eaux, si précieuses pour Constantine, dont il alimente les citernes et dont il féconde les frais jardins ; il est guéable en toute saison ; les plus fortes pluies ne donnent point à son cours plus de 4 pieds de profondeur ; il s’avance clair et paisible dans la riante plaine qui s’étend au sud du piton constantinien, baignant le pied du plateau de Monsourah, et répandant la fraîcheur et la vie dans la riche campagne qui forme sa rive gauche.

Parvenu près de la falaise escarpée que la Casbah coiffe d’un fier turban de constructions blanchâtres drapées autour de sa coupole, son cours déjà grossi, par l’Oued-Boumerzoug, reçoit l’Oued-el-Hamman, tiède ruisseau auquel ses bassins de sable ont mérité son doux nom, en arabe rivière des bains, et change tout aussitôt de caractère et d’aspect.

C’est sur ce point que, roulant plus précipitamment ses eaux, il entre en mugissant dans le ravin dont l’étrange nature se révèle aussitôt. Quelle que soit la profondeur actuelle de ce brusque pli de terrain, on ne peut douter qu’elle n’ait été originairement beaucoup plus considérable. En effet, tant que le Rummel ne rencontre aucun autre obstacle que les rochers contre lesquels il heurte et brise ses eaux, il poursuit, en bondissant, sa course fougueuse ; mais un renflement du sol vient-il opposer une digue à ses flots, il semble creuser son lit et disparaît à grand bruit au milieu des quartiers de roc qui forment le sous-sol de la vallée, pour rejaillir plus bas : ici par les fissures de ce gigantesque remblai, là par une voûte cintrée que l’on dirait creusée par la main de l’homme ; et plus paisible dès lors, il poursuit, en s’éloignant de ces terrains convulsés, son cours apaisé, vers le nord.

F. G.