Ne me confondez point, par grâce, avec les miens ;
Non, je sais mieux du sang respecter les liens : [1130]
Ma soeur, prête à périr par des lois inhumaines,
Sur un bûcher ! Ah ! Dieux ! Son sang crie en mes veines ;
Pour un objet si cher je pourrai tout braver,
Je suis européen dès qu'il faut la sauver ;
Attendez tout de moi, seigneur.
Vous l'avez vue. [1135]
Est-il vrai qu'à la mort elle soit résolue ?
Vous en seriez surpris, vous en seriez touché.
À son cruel devoir son coeur est attaché ;
Devoir d'autant plus dur à son âme asservie,
Qu'on croit que cet hymen qui lui coûte la vie, [1140]
N'était point le lien que son coeur eût choisi.
Et celui qu'elle aimait, d'un lâche effroi saisi,
Souffrira sous ses yeux cet horrible spectacle !
À la mort d'une amante il n'ose mettre obstacle !
Son sort me touche, moi, qui lui suis étranger ; [1145]
Comme homme seulement je viens la protéger.
Le lâche ! Que fait-il ? Qu'est-ce qu'il appréhende ?
Comment peut-il souffrir qu'un autre la défende ?
Sans doute en d'autres lieux le ciel l'a retenu :
Mais qu'avec mes destins mon coeur vous soit connu : [1150]
Autant que je le puis, je répare l'injure