De l'indignation je n'ai pu me défendre ;
Mais songe que demain ces remparts sous nos coups
Peut-être vont tomber, et la ville être à nous.
Prends un peu de nos moeurs ; si tu n'es pas sensible,
Ne sois pas inhumain, l'effort n'est pas pénible ; [840]
Trop sûr que tu dois l'être en ces funestes lieux,
Qu'on n'y souffrira plus un usage odieux :
De celles qu'opprimait votre loi meurtrière,
Souffre au moins qu'aujourd'hui je sauve la dernière.
Que dis-je ? Applaudis-toi, quand je lui tends la main ; [845]
Laisse-là ta coutume, il s'agit d'être humain.
Tu te flattes en vain que ton bras la délivre,
Qu'assez lâche aujourd'hui pour consentir à vivre,
Elle aille sous ses pieds disperser sans remords
La cendre de l'époux qui l'attend chez les morts. [850]
A-t-elle un père, un frère ? Eh bien ! De la nature
Leur juste fermeté fait taire le murmure ;
À leur exemple ici sois donc moins effrayé :
Ils domptent la nature, étouffe la pitié.
Oui, tyran ! Je vois trop que ton âme inflexible, [855]
À toute émotion veut être inaccessible ;
Je vois trop dans ce temple, ouvert au préjugé,
Ton endurcissement en système érigé ;
Puisque rien ne fléchit ton cruel caractère,
Ce que ma voix n'a pu, nos armes le vont faire ; [860]
Et l'Inde, malgré toi, verra marquer mes pas
Par cette humanité que tu ne connais pas.
Je jure sur ce fer, ce fer que mon courage