Je n'en mourrais pas moins et je mourrais trop tard !
Si je tarde d'un jour, je perds mon sacrifice :
Au lieu d'un dévouement, ma mort n'est qu'un supplice.
J'ai promis, en un mot ; je ne puis désormais,
Sans me déshonorer, recourir aux délais, [520]
Et d'une mort enfin que la gloire eût suivie,
Je paraîtrais indigne autant que de la vie.
Eh bien ! Ma soeur, hé bien ! Terminons ce débat,
Change de destinée en changeant de climat :
Ces effroyables moeurs parmi nous consacrées, [525]
Ce devoir que tu suis ne tient qu'à nos contrées ;
Fuyons l'Inde, et si loin que de féroces lois
Ne puissent jusqu'à nous faire entendre leur voix :
Nous n'avons, de tes jours pour ne rendre aucun compte,
Qu'à mettre l'océan entre nous et la honte ; [530]
Contre l'opinion dans des climats plus doux,
Il est, si tu le veux, des asiles pour nous ;
Là nous suivrons ces moeurs à jamais conservées,
Que chez tous les humains la nature a gravées,
Ces vrais devoirs sentis et non pas convenus, [535]
Immuables partout, et partout reconnus,
Lois que le ciel, non l'homme, à la terre a prescrites,
Et qui n'ont ni les temps ni les mers pour limites.
De quel frivole espoir ton coeur est animé !
Comment quitter ces bords ? L'univers m'est fermé : [540]
Si tu veux m'arracher à ce climat funeste,
Empêche donc qu'aussi ma mémoire n'y reste,
Qu'elle n'y reste infâme ; empêche sur ce bord