Mais ici par l'honneur la femme est poursuivie ; [145]
Il la force, en tyran d'abandonner la vie.
Pardonnez, j'avais cru qu'exposés aux malheurs,
Sans appeler à nous la mort, ni les douleurs,
Ce devait être assez pour la constance humaine,
De supporter les maux que la nature amène : [150]
D'inexplicables lois, par de secrets liens,
Sur la terre ont uni les maux avec les biens ;
Mais de l'insecte à l'homme on peut assez connaître
Que le soin de soi-même est l'instinct de chaque être.
Les dieux comme immortels, et surtout comme heureux, [155]
À tout être sensible ont inspiré ces voeux :
L'homme, l'homme lui seul, dans la nature entière,
A porté sur lui-même une main meurtrière ;
Comme s'il était né sous des dieux malfaisants,
Dont il dût à jamais repousser les présents. [160]
Ah ! La secrète voix de ces êtres augustes,
Crie au fond de nos coeurs, soyez bons, soyez justes ;
Mais nous demandent-ils ces cruels abandons,
Ce mépris de nos jours, cet oubli de leurs dons ?
Cette haine de soi n'est-elle point coupable ? [165]
Qui se hait trop lui-même aime peu son semblable :
Et le ciel pourrait-il nous avoir fait la loi
D'aimer tous les humains, pour ne haïr que soi ?
Scène III