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d’un lyrisme enthousiaste et d’un vif sentiment de la fraternité.

Sous l’empire, le roman l’occupa tout entier. Citons, dans le genre de la fantaisie et de l’imagination, Folles et Saintes, livre qui fit grand bruit lors de son apparition ; les Derniers marquis (1867), satire piquante contre la noblesse, et les Derniers abbés, peinture des mœurs religieuses en Italie.

Parmi les romans historiques, la Jeunesse de Mirabeau, Madame du Châtelet et les Enfances célèbres. Tous ces volumes ont été plusieurs fois réimprimés, et leur succès du moment a été considérable. Notons aussi des récits de voyages en Hollande, aux Pyrénées, à Naples surtout, où Mme Colet a longtemps séjourné et a soulevé contre elle, lors du choléra, des haines qui ont failli lui coûter la vie. Mais cette partie des œuvres de l’auteur est véritablement la plus faible, celle où elle a le moins mis de son âme ; or, c’est l’accent personnel qui fait le principal, le seul mérite des ouvrages de Mme Collet.

N’oublions pas un livre singulier, bizarre, regrettable, Lui, 1859, où l’on trouve bien des révélations scandaleuses qui auraient dû rester secrètes.

Nous avons montré toute l’œuvre de Mme Colet ; car il est inutile de parler de quelques traductions faites pour des libraires plutôt que pour le public.

On voit que cet écrivain a abordé tous les genres, presque toujours avec succès ; c’était un esprit d’une fécondité merveilleuse et d’un goût assez juste ; je veux parler de ce goût populaire, franc, naturel qui distingue tout simplement le bon du mauvais, et non de ce goût plus raffiné, plus délicat, qui est le produit d’une culture plus parfaite et qu’on trouve par exemple, chez Mme d’Agoult. Dans Mme Collet, au contraire, ce qu’il y avait surtout, et on peut dire uniquement, c’est le bon sens et la verve.

Depuis quelques années, Mme Colet écrivait rarement ; nous nous souvenons pourtant, il y a six mois, d’avoir encore vu des lettres d’elle à l’Événement. Mais combien le style était devenu tourmenté et la pensée prétentieuse ! Mme Colet, autrefois si claire et si précise, en était arrivée à la déclamation et à la diffusion.

Celle dont Sainte-Beuve, excellent juge, vantait la simplicité et le bon goût, n’écrivait plus à la fin que d’un style faux et maniéré. Du reste, Mme Colet a été discutée toute sa vie ; jamais son talent ne s’est imposé à l’admiration. Si elle a eu autrefois beaucoup d’amis dévoués et enthousiastes, elle avait autant d’ennemis acharnés et convaincus. Les uns l’avaient porté trop haut, les autres l’avaient trop dénigré ; puis il s’est fait un grand silence, l’oubli est venu, et l’on a laissé Mme Colet mourir ignorée et abandonnée.

Aujourd’hui que l’on peut se prononcer impartialement sur le mérite de cette femme, en présence de sa tombe, après des années d’une triste ingratitude, on trouve, en somme, que ses partisans avaient encore plus raison que ses adversaires, et la postérité sera sans doute pour Sainte-Beuve contre Alphonse Karr.