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LE MÉNESTREL

qui exploite cet établissement. Cette première année se solde par un bénéfice net de 12.061 fr. 97 c. La Tonhalle a été assidûment fréquentée durant tout l’hiver, et on évalue à plus de 160.000 le nombre des personnes qui l’ont visitée. On compte aux concerts symphonique un total de 931 abonnés. 8.000 auditeurs se sont pressés aux concerts populaires gratuits. La séance qui a attiré la plus grande foule a été un concert donné avec le concours de Mlle Wedekind, cantatrice, où l’on a enregistré 1.810 entrées. L’orchestre, pour une période de sept mois, n’a pas coûté moins de 73.763 francs.

— Nouvelle avalanche de première représentations en Italie. Au théâtre Mercadante, de Naples, A San Francisco « scènes en un acte, » texte de M. Salvatore Di Giacomo, musique de M. Sebastiani : succès. — Au théâtre Bellini, de la même ville, Fadette, opéra sérieux, musique de M. Dario de Rossi, chute. — Au théâtre Social de Casalpusterlengo, Obré, opéra en deux actes, paroles et musique de M. Balladori ; succès. — À Verderio, chantée par des dilettantes, Virtu d’amore « action pastorale », paroles de Mme Maria Rossi-Bozzotti, musique de M. Vittorio Gnecchi. — À San Giorgio à Cremano, près de Naples, la Festa del villaggio, opérette, musique de M. Alessandro De Martino. — Enfin, à Pozano (Frioul), chantée par des dilettantes, autre opérette, la Contessa di Santapelagia, musique du maestro De Lunghi. Sans compter une pantomime, Pierrot espion, scénario de M. Francioli, musique de M. Teofilo De Angelis, qui a été jouée avec succès au théâtre National de Rome.

— À Lucques, sur l’initiative de la société orchestrale Boccherini, un comité s’est constitué à l’effet d’ériger deux monuments à deux artistes, enfants l’un et l’autre de la cité. Le premier est Boccherini, l’auteur si fécond d’œuvres si délicieuses de musique de chambre ; le second est Alfredo Catalani, compositeur élégant, mort récemment dans toute la force de l’âge et de la production.

M. Felipe Pedrell a été invité à donner un cours d’histoire musicale à la section des études supérieures de l’Athénée de Madrid. Le sujet qu’il a choisi est celui-ci : Histoire de la musique dans ses trois périodes constitutives : a) musique homophone ; b) musique polyphone ; c) musique harmonique et moderne. Il donnera en tout 22 leçons, dont la première sera consacrée à une Introduction à l’Histoire de la musique, les quatre suivantes à la première période de celle-ci, six autres à la seconde période, le restant à la troisième.

— Au théâtre de la Zarzuela de Madrid, apparition d’une zarzuela nouvelle du compositeur populaire Fernandez Caballero, qui porte ce titre au moins singulier : l’Expulsion des Juifs en 1493.

— Un journal américain raconte que Mme Nordica est l’heureuse propriétaire d’un petit chien qui est l’unique représentant de son espèce ayant assisté à une représentation du théâtre de Bayreuth. La femme de chambre de l’artiste avait réussi à l’introduire en cachette pendant cette représentation, dans laquelle Mme Nordica chantait. Au commencement, tout alla bien. Le petit chien, enveloppé dans une mantille de dentelle, se prélassait sur les genoux de la soubrette espiègle. Mais voici que Mme Nordica entre en scène en poussant un cri sur le mode mineur. Le toutou reconnaît la voix de sa maîtresse et se met à hurler furieusement. Toute la salle s’agite, et l’audacieuse camériste s’enfuit en emportant le chien : sans l’intervention de Mme Wagner, elle aurait fait la connaissance du « violon » de Bayreuth.

— Ce n’était pas assez de voir, sur certains théâtres italiens, massacrer le Barbier de Rossini en le faisant chanter uniquement par des femmes. Le directeur d’une scène italienne de Buenos-Ayres a trouvé une mascarade plus odieuse encore au point de vue musical : il a offert à son public le second acte dudit Barbier, en faisant jouer les rôles d’hommes par des femmes et les rôles de femmes par des hommes. Celui-là mériterait qu’on lui fasse suivre un cours d’harmonie pendant vingt-cinq ans pour lui apprendre la disposition des voix.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Le Journal officiel a publié cette semaine les nominations suivantes dans le personnel enseignant du Conservatoire :

M. Le Bargy, sociétaire de la Comédie-Française, professeur de déclamation dramatique, en remplacement de M. Delaunay.

M. Ch.-M. Widor, professeur de composition, contrepoint et fugue, en remplacement de M. Théodore Dubois, appelé à d’autres fonctions.

M. G. Fauré, professeur de composition, contrepoint et fugue, en remplacement de M. Massenet, démissionnaire.

M. Paul Vidal, professeur d’accompagnement au piano, en remplacement de M. Delahaye, décédé.

M. G. Rémy, professeur de violon, en remplacement de M. Garcin, décédé.

M. de Martini, chargé de cours pour une classe de solfège spéciale aux chanteurs, en remplacement de M. Danhauser, décédé.

De plus, par arrêté ministériel en date du 5 octobre, Mme Heury Jossic (Madeleine Jaeger) est nommée professeur de solfège.

— Voici le résultat de l’examen qui a eu lieu cette semaine au Conservatoire, pour l’admission aux classes de déclamation. Sur 38 aspirants, 22 ont été reçus, dont 10 hommes et 12 femmes. Voici les noms des élus, avec l’indication des classes auxquels ils sont affectés : classe de M. Worms : Mlles d’Ortzal, Marotel, MM. Dessonnes, Chevalet ; classe de M. Sylvain : Mlles Régnier, Brésil, MM. Henry-Perrin, Saillard ; classe de M. Dupont-Vernon : Mlles Dielly, Myriane, MM. Séverin et Perrin ; classe de M. Leloi : Mlles Jousset, Barbier, MM. Croné et Gournac ; classe de M. de Féraudy : Mlles Cergy, de Lavergne, M. Signoret ; classe de M. Le Bargy : Mlles Gilda Darty, Lalandre, M. Vargas.

— Programmes des concerts d’aujourd’hui dimanche :

Châtelet, concert Colonne : Ouverture de Patrie (Bizet) ; Symphonie fantastique (Berlioz) ; Psyché (César Franck) ; Divertissement (Lalo) ; Berceuse de Jocelyn (B. Godard) ; Airs de danse du Roi s’amuse (Léo Delibes) ; Hymne à sainte Cécile (Gounod) ; Carnaval (E. Guiraud).

Cirque des Champs-Élysées, concerts Lamoureux : Symphonie pastorale (Beethoven) ; Pur dicesti (A. Lotti), chantée par Mlle Jenny Passama ; Rédemption, symphonie, introduction de la deuxième partie (César Franck) ; Capriccio espagnol (Rimsky-Korsakow) ; Rêves (Wagner), chantés par Mlle Jenny Passama ; le Vénusberg, de Tannhaüser (Wagner) ; Ouverture des Maîtres chanteurs (Wagner).

— Le premier concert de l’Opéra sera donné le 3 janvier et le dernier le dimanche des Rameaux. Cela fera en tout une série de dix concerts, avec cinq programmes, chaque programme devant être exécuté deux fois de suite. Au premier concert, il est très probable que nous entendrons des fragments d’un opéra inédit de Gluck : Hélène et Pâris. Mais cette année, la direction de l’Opéra a le projet d’élargir considérablement les programmes, en donnant soit des actes d’ouvrages, soit même des ouvrages tout entiers. Cette innovation remplace l’exhibition des danses anciennes qui ont eu tant de succès l’an dernier, mais dont le programme est plus facile à épuiser.

— De notre confrère Nicolet, du Gaulois : « À l’Opéra toujours, bien qu’on soit en ce moment tout entier aux dernières répétitions du Don Juan de Mozart, on n’en continue pas moins à pousser activement les études de Messidor, le drame lyrique de MM. Alfred Bruneau et Émile Zola. La mise en scène de cet ouvrage sera des plus pittoresques et des plus curieuses. On cite déjà deux décors à sensation : la Moisson, par le peintre Jambon, et le Moulin, par Amable, qui dépasseront comme hardiesse artistique tout ce qui a été fait jusqu’ici. L’action, ou plutôt l’idée du drame de Messidor se trouve tout entière dans les trois dernières pages du roman de Germinal, par M. Émile Zola, auteur du livret de M. Bruneau. Nous avons dit qu’il y aurait un ballet important dans Messidor. Le point de départ de ce ballet est le développement d’une légende locale, d’après laquelle, au début de l’ère chrétienne, l’enfant Jésus jouant dans la vallée de Bethmale, tout le sable qu’il touchait fut converti en or. Et c’est pourquoi, depuis cette époque, la rivière de l’Ariège charrie de l’or. »

— Un bon engagement à l’Opéra-Comique, celui de Mlle Jane Marcy, qui fut quelque temps la pensionnaire de l’Opéra et qui chanta avec tant de succès tout l’hiver dernier aux concerts Lamoureux, où l’on peut remarquer comme son talent s’était généreusement développé. Mlle Marcy sera une excellente dona Anna, pour la prochaine reprise de Don Juan, que prépare M. Carvalho.

— Le compositeur Gustave Charpentier a donné jeudi chez lui, devant quelques amis, une audition de sa Sérénade à Watteau, qui sera exécutée pour la première fois dans le jardin du Luxembourg, le 8 novembre, pour l’inauguration du monument du peintre des Fêtes galantes. Ce jour-là, la Sérénade à Watteau sera chantée par le ténor Mauguière et par six voix de femmes, et accompagnée par le double quatuor classique, par le quatuor de mandolines Pietrapertosa, deux harpes, deux flûtes, un mustel et un tambourin.

MM. Paul Viardot et Henri Marteau partent aujourd’hui pour une tournée en Scandinavie.

— De Lyon : M. Vizentini a inauguré sa deuxième année de direction en nous rendant une œuvre intéressante, Aïda, qui n’avait pas été jouée depuis plusieurs années. Grand succès pour la troupe d’opéra, remarquablement homogène avec MM. Cossira, Beyle, Fabre, Mmes Litvinne et Cossira. Mme Litvine va malheureusement nous quitter, enlevée à prix d’or par l’Amérique. Le lendemain d’Aïda nous avons eu une excellente exécution de Samson et Dalila, avec MM. Bucognani, Beyle, Ramieu et Mme Jane d’Hasty, une Dalila exquise. Puis, toujours dans la semaine d’ouverture, Faust, Manon avec Mme Valduriez et M. Micaëlly, Mignon avec Mme Mary Boyer. M. Vizentini annonce avant les Maîtres-Chanteurs, le grand événement de la saison, des reprises de Lakmé, la Jacquerie, Mireille, la Favorite, la Juive, et les créations de Javotte, le nouveau ballet de Saint-Saëns, la Vendée de Pierné, André Chénier de Giordano, l’Hôte de Missa, Jacqueline de Pfeiffer, etc. Notre habile directeur promet aussi cinq grands concerts symphoniques dominicaux, dont le premier aura lieu le 22 novembre. On le voit, la plus grande activité règne sur notre première scène, et le public, par son empressement, montre bien le gré qu’il sait à un directeur artiste et intelligent de vouloir que Lyon devienne le premier théâtre en province française.

J. Jemain.

— Les concerts de la Société Philharmonique fondée par M. L. Breitner seront donnés, comme l’année précédente, dans la Salle des Agriculteurs de France, 8, rue d’Athènes, à 8 h. 1/2 du soir. Ces concerts, au nombre de dix, auront lieu aux dates suivantes : les jeudis 5 et 19 novembre, jeudi 3 et samedi 19 décembre 1896, jeudi 7 et samedi 23 janvier, les samedis 6 et 20 février, les jeudis 4 et 18 mars 1897.

— Le professorat vient de s’enrichir de deux nouveaux maître. M. et Mme Escalaïs viennent en effet de s’installer définitivement à Paris, 52, faubourg Saint-Honoré, et ces deux excellents artistes ne manqueront pas de