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LE MÉNESTREL

— Le Grillon du foyer, l’opéra nouveau de M. Goldmark, vient d’être joué avec succès à l’Opéra royal de Budapest, en langue hongroise. Le compositeur, qui est de nationalité hongroise, assistait à cette première, mais ne la dirigeait pas. Le public a fait une ovation à son célèbre compatriote, et M. Goldmark a dû se montrer quatorze fois à la fin de la représentation.

— À l’exposition nationale de Buda-Pest se trouvait une vaste entreprise de spectacles variés qui avait pris le titre de Constantinople. Cette entreprise paraît n’avoir été rien moins que fortunée, car elle vient d’être déclarée en faillite. Or, son passif s’élève, paraît-il à la somme rondelette de 333.000 florins, soit quelque chose comme 750.000 francs environ.

— Un nouvel opéra-comique intitulé le Flocon de neige, paroles de M. Willner, musique de M. Henri Berté, vient d’être joué avec succès à l’Opéra allemand de Prague. On reproche cependant à cette œuvre de se rapprocher trop du genre de l’opérette. L’affiche était complétée par un nouveau ballet avec chant intitulé la Joueuse de luth, musique de M. Richard Heuberger, dont le succès a été assez modeste.

— Les Tchèques de Bohême et de Moravie se proposent la construction d’un théâtre tchèque à Brünn, capitale de la Moravie, qui ne possède jusqu’à présent qu’un très joli théâtre allemand, de construction récente. À cet effet, le directeur du théâtre national de Prague, M. Subert, a organisé, avec les artistes de ce théâtre, un concert à Prague, dont le succès matériel et artistique a été fort important. Le programme ne contenait que des œuvres de compositeurs tchèques.

— On vient de frapper à Prague une médaille commémorative en l’honneur du compositeur tchèque Smetana et de son opéra le plus populaire, la Fiancée vendue. L’avers de cette médaille présente le portrait de Smetana avec le théâtre national de Prague dans le fond et, cet exergue : l’Art est victorieux ; le revers fait voir les deux amants fiancés dans leur costume national. Les Tchèques achètent beaucoup cette médaille.

— Le théâtre grand-ducal de Weimar vient d’adopter une réforme de l’orchestre préconisé par Richard Wagner. Le niveau de l’orchestre a été abaissé d’un mètre pour les instruments à vent et de cinquante centimètres pour les instruments à cordes. Mais la première représentation qui devait inaugurer cette réforme a joué de malheur. On avait d’abord annoncé le Vaisseau fantôme, ensuite on a changé l’affiche au dernier moment en annonçant Carmen, et le théâtre était bondé. Mais plusieurs artistes qui devaient joué Carmen au pied levé sont restés introuvables et ont dut rendre l’argent.

— On vient de trouver un document important concernant J.-S. Bach. À Dornheim, petit village de Thuringe, on a découvert dans les registres de l’église protestante l’inscription suivante : « le 18 octobre 1707, le très honorable sieur Johann Sébastien Bach, célèbre organiste de Saint-Blaise à Mulhouse, fils légitime survivant à son père, feu le très honorable sieur Ambroise Bach, célèbre organiste de la ville et musicien à Eisenach, et la vertueuse, demoiselle Barbe Bach, dernière fille légitime survivante à son père, feu le très honorable sieur Johann Michel Bach, célèbre organiste dans le bailliage de Jehren, ont été mariés ici, dans notre temple de Dieu, avec la permission de notre bienveillant seigneur, après la publication des bans à Arnstadt. » L’église du village de Dorhnheim était, d’après ce document, une église, patronale et la permission du seigneur du village était nécessaire pour la célébration du mariage.

— On vient de trouver à Zurich une composition inconnue de Richard Wagner, qui porte ce titre : « Deuxième ouverture de concert » ; elle date du premier séjour de Wagner à Paris. Il paraît, en effet, que cette œuvre a été écrite avant Rienzi. Le chef d’orchestre M. Hegar, à Zurich, qui a eu la chance de découvrir cette composition dans un vieux carton, l’a déjà fait exécuter par son orchestre dans une répétition à huis clos.

— Au théâtre lyrique de Milan, le succès de la Navarraise et de sa belle interprète, Mme de Nuovina, est allé croissant toute la semaine, et on en est déjà à la sixième représentation.

— Pour procurer à ses gardes une distraction utile et convenable, Léon xiii a fait construire dans les jardins du Belvédère, au Vatican, un petit théâtre dont la direction a été confiée à M. Arturo Durantini. On y donnera aussi des concerts et des soirées musicales. Jusqu’à présent, il n’a pas été décidé s’il sera permis aux femmes de se produire sur cette scène ; mais le pape permettra aux hommes, invités spécialement aux représentations, d’y amener leurs femmes et leurs filles. Inutile de dire que le répertoire du théâtre sera soumis à une censure rigoureuse au point de vue des mœurs et de la politique.

— Une traduction inconnue du Malade imaginaire. Il existe plusieurs traductions italiennes de la dernière comédie de Molière, et on en connaît une version en dialecte napolitain, qui a été imprimée en 1835. Maintenant on vient de découvrir qu’il en existe une en dialecte bolonais, laquelle est conservée dans un recueil de la Royale Bibliothèque Victor-Emmanuel, de Rome. Elle forme un beau manuscrit du dix-huitième siècle, composé de trente-deux feuillets numérotés. « Il est étrange, dit un de nos confrères italiens, que ni Corrado Ricci dans son livre : i Teatri di Bologna nei secoli xvii e xviii, ni C. G. Sarti dans son Teatro dialettale bolognese, n’en fassent mention. Aujourd’hui le professeur Giorgio Rossi fait un bel examen de cette traduction, mettant en relief comme il convient les différences qu’elle offre avec l’original. Entres autres choses, elle compte trois personnages de moins. » C’est ce qu’on peut appeler une traduction libre. Mais rien de ce qui touche Molière ne saurait être indifférent.

— Le Politeama de Trieste ouvrira sa saison le 31 octobre prochain, avec un spectacle composé de Maria et Coppélia. Parmi les ouvrages annoncés pour cette saison, nous trouvons Fra Diavolo et les Diamants de la couronne, d’Aubert, una Partita a scacchi de M. Cornaglia, Stratagemma d’amore, de M. Marenco, etc.

— Deux opéras nouveaux viennent d’être donnés en Italie, avec un succès médiocre pour le premier, absolument nul pour le second. C’est au théâtre Bellini de Naples, que le premier s’est présenté, le 26 septembre, sous le titre de Padron Maurizio ; c’est un opéra en deux actes, dont la musique est due au compositeur Giovanni Giannetti. Le second, un Mafioso, est un drame lyrique, aussi en deux actes, qui a paru sur le théâtre Social de Varèse, le 29 septembre. Celui-ci est l’œuvre de M. Giuseppe Bonaspetti pour les paroles, et pour la musique de M. Enrico Mineo, jeune musicien sicilien, élève de M. Platania. La critique juge surtout ce dernier d’une façon très sévère pour les deux auteurs.

— On écrit de Catane à la Gazzetta musicale de Milan : « Comme nous l’avions annoncé, le 23 septembre a eu lieu la commémoration de la mort de Bellini. Sur le monument érigé sur la piazza Stesicorea, sur la tombe du Dôme et sur le demi-buste duj ardin qui porte le nom de l’immortel compositeur, furent déposées, par les soins du municipe et de la musique civique, des couronnes de fleurs fraîches. Le soir, le jardin Bellini a été splendidement illuminé, les allées pavoisées et le concert communal a exécuté un programme de morceaux belliniens, écouté par un public exceptionnellement nombreux. La commémoration était modeste, sans doute, mais cordialement accueillie, parce qu’ici l’auteur de Norma est idolâtré. »

— Parmi les artistes engagés au théâtre Argentina de Rome pour la prochaine saison de carnaval-carême, on cite les noms suivants : soprani : Mmes Barducci, De Frate et Ricci de Paz ; mezzo-soprano : Locatello : ténors : MM. Mariacher, Granados, Sigaldi et Borgatti ; barytons : Scotti et Cioni. Manquent encore les noms des artistes qui seront chargés de l’interprétation du Crépuscule des Dieux, de Wagner. On sait cependant que le rôle de Siegfried sera tenu par le ténor Grani, qui y a obtenu déjà un grand succès enchantant cet ouvrage au théâtre royal de Turin.

— La direction du théâtre royal de Madrid vient de publier le tableau de sa troupe pour la prochaine saison d’hiver. Voici les noms des artistes engagés. Soprani : Mmes Teresa Arkel, Elena Fons, Regina Pacini, Bendazzi-Garulli, Adalgisa Gabbi, Tetrazzini ; mezzo-soprani : Giuseppina Pasqua, Mila Nicolini, Ines Salvador ; ténors : MM. Garulli, Russitana et Stampanoni ; barytons : Ramon Blanchart, Buti, Sammarco et Tabuyo ; basses : Navarrini, Carlo Walter et Giulio Rossi. Les chefs d’orchestre sont MM. Giovanni Goula et Pietro Urrutia.

— Il y a à l’étranger des théâtres qui ne flânent pas, et qui pourraient servir d’exemple à quelques-uns des nôtres. Celui de la Zarzuela, à Madrid, qui a rouvert sa saison le 26 septembre, promet pour cette saison à son public une véritable avalanche d’œuvres nouvelles dont voici les titres : Caracalla, paroles de M. Felipe Perez, musique de MM. Angel Rubio et Marqués ; Manolos y patrimetres, paroles de MM. Felipe Perez et Fernandez Shaw, musique de M. Jimenez ; la Piel del diablo, paroles de M. Fiacro Iraizoz, musique de M. Jimenez ; la Parranda, paroles de M. Fernandez Shaw, musique de M. Zavala ; la Boda de Luis Alonzo, paroles de M. Javier de Burgos, musique de M. Jimenez ; la Bora del lobo, paroles de M. Merino, musique de M. Angel Rubio ; la Fantasia de Carmen, paroles de MM. Arniches et Celso Lucio, musique de M. Valverde fils ; la Expulsion de los judios, paroles des mêmes, musique de M. Caballero ; los Arrastraos, paroles de MM. Lopez Silva et Jackson Veyran, musique de M. Chueca ; la Tribu salvage, paroles de M. Enrique Gaspar, musique de MM. Caballero et Romea ; Sastreria y colchoneria de Pepe Garcia, de M. Ricardo de la Vega ; el Padrino del nese o todo por el arte, paroles et musique de M. Romea. À ces ouvrages il en faut ajouter encore dont on ne donne pas les titres, paroles de MM. Miguel Echegaray, Iraizoz, Larra, Gullon, Alvarez, Anaya, Aguso, Labra, musique de MM. Caballero, Larregla, Breton, Manuel Nieto, Hermoso, Chalons et autres. Décidément, ce théâtre est infatigable.

— On vient de représenter avec un succès énorme à Malaga, sur le théâtre Lara, une nouvelle zarzuela comique intitulée la Boca del Lobo, dont la musique a pour auteur un artiste très populaire, M. José Cabas Galvan.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Cette semaine a eu lieu, au Conservatoire, l’élection des quatre professeurs appelés par leurs collègues à faire partie du conseil supérieur d’enseignement. Dans la matinée, on a procédé à l’élection du professeur à la section de l’enseignement dramatique. Le scrutin a été assez laborieux. Après plusieurs tours, les cinq professeurs ont fini par se mettre d’accord sur le nom de M. Leloir, qui a été élu. — Dans l’après-midi, à trois heures, les professeurs de l’enseignement musical se réunissaient et après un seul tour de scrutin ont été élus membres adjoints de cette section MM. Saint-Yves-Bax, Jules Delsart et Alphonse Duvernoy. — Les deux séances ont été tenues dans la petite salle des examens attenant au cabinet de M. Théodore Dubois, qui les a présidées l’une et l’autre. Ce sont