Page:Le Ménestrel - 1896 - n°32.pdf/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
LE MÉNESTREL

— Très gros succès, vendredi, à l’Exposition du théâtre et de la musique, pour le second grand festival, donné sous la direction de M. Achille Kerrion et dont toute la première parti était réservée à l’audition des œuvres de M. Théodore Dubois. Cette première partie comprenait une suite d’orchestre de la Farandole ; l’aubade de Xavière ; Dormir et rêver ; Nous nous aimerons, fort joliment chantés par M. Devilliers ; une Méditation religieuse d’un grand style et d’un beau caractère, dont le solo de violon a donné au talent de M. Laforge l’occasion de se manifester dans toute son ampleur ; enfin, une remarquable sélection du second acte d’Aben-Hamet (prélude orchestral, chant mauresque et duettino, finale avec chœurs), dont les soli étaient chantés par Mmes Denante, Morena Ibanez et Stéphanie Kerrion, MM. Devilliers, Daraux et Manson. L’effet a été très grand et le public, très nombreux, a manifesté sa satisfaction de la façon la plus bruyante, en applaudissant vigoureusement l’auteur, présent à la séance, et ses excellents interprètes. On a applaudi aussi, dans la seconde partie, les Pizzicati de Sylvia, dits par l’orchestre avec beaucoup de délicatesse, l’air du Chevalier Jean, fort bien chanté par Mme Morena Ibanez, et l’air de Samson et Dalila, qui a fait valoir la voix superbe de Mlle Kerrion.

A. P.

— La distribution des prix de l’excellente École de musique classique fondée par Niedermeyer et si bien dirigée par son gendre, M. Gustave Lefèvre, a eu lieu le 27 juillet. La séance s’est ouverte par un intéressant discours du directeur, dans lequel celui-ci a recommandé à ses élèves de ne jamais oublier leur origine et de rester, toujours et quand même, des musiciens français, soucieux de maintenir les traditions nationales, celles que comporte le génie de leur pays et que certains ont trop de penchant à oublier aujourd’hui. « Les études classiques, leur a-t-il dit, n’ont d’autre but que d’élargir vos connaissances, de vous enseigner les procédés utiles, de fortifier votre idéal, de vous faire connaître ce qui a été fait, écrit, pensé par les maîtres qui vous ont précédés, par ceux qui, musicalement, parlaient glorieusement la langue de leur race et de leur pays. » Le jury était composé de MM. Ravina, Delioux, Guilmant, de Boisjolin, Colomer, William Cart, Planchet, Busser, Caftot, Froment, Morichelle et des professeurs de l’École. La distribution a été précédée d’un concert dans lequel se sont fait entendre les lauréats des classes de piano, orgue et accompagnement. Parmi les élèves qui ont obtenu les principales récompenses, nous citerons les noms de MM. Palanque, Guillaume, Massuelle, Frontin, Ott, Martin, Altenberger, etc., qui font honneur à l’enseignement de leurs professeurs, MM. G. Lefèvre, Alexandre Georges, Ch. de Bériot, Savoye, Loret, Stoltz et Paul Viardot. Le prix d’honneur accordé par le ministre des beaux-arts a été attribué à l’élève Georges Palanque.

— À l’école Beethoven, fondée et dirigée par Mlle Balutet, a eu lieu la séance d’examens pour l’obtention des certificats de capacité à l’enseignement du piano. Le jury, composé de MM. Guilmant (président), X. Leroux, H. Maréchal, G. Marty, Ch. René, P. Braud, a reçu les élèves suivantes : Piano (élémentaire), Mmes de Saline, S. Scailliet, A. de Guerny, J. Valland ; Harmonie (supérieure), A. Boucher, M. Longhurst.

— Très belle et très artistique matinée de clôture chez Mme Lafaix-Gontié. À signaler l’air de la folie d’Hamlet, chanté par Mlle Hortense D., celui de Salomé dans Hérodiade, très bien dit par Mlle Alphonsine P., et Ah ! qui brûla d’amour, par Mlle Gabrielle D. du S. qu’accompagnait l’exquis violoncelle de M. Choinet. Enfin, succès pour trois nouveaux morceaux du maître Charles Dancla : une transcription pour violon d’un Nocturne de Chopin, puis le Slave, et enfin la Gazelle, que le maître a enlevés avec une admirable maestria. M. Davrigny apportait aussi, à cette attrayante réunion, le concours de son talent.

— Je reçois de Belgique le second volume de l’excellent et précieux Catalogue descriptif et analytique du Musée instrumental du Conservatoire royal de musique de Bruxelles, dont l’auteur est M. Victor-Charles Mahillon, conservateur du Musée. Ce second volume est à la hauteur du premier, et l’ensemble forme un répertoire vraiment admirable, auquel on ne saurait accorder de trop sincères éloges. La compétence de l’auteur, ses connaissances si étendues en instrumentologie (pardon du néologisme)), l’excellence de sa classification, la conscience et le soin qu’il apporte dans la rédaction de ses notices si claires et si substantielles, enfin le secours qu’il demande, pour compléter son texte, aux nombreuses figures prodiguées par lui de tous côtés, tout concourt à faire de cet ouvrage un modèle à suivre et comme une sorte de petit-chef-d’œuvre en son genre, qui laisse bien loin derrière lui tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour dans cet ordre d’idées. Voilà un livre qu’on peut recommander sans se compromettre, et qui apporte vraiment avec lui une somme de connaissances nouvelles et intéressantes. On n’en saurait dire autant de tous ceux qui paraissent chaque jours, même — et surtout — sur la musique.

A. P.

— On nous télégraphie de Metz que la rue de la Cathédrale est définitivement débaptisée. Les ouvriers ont installé des plaques bleues portant, l’une en allemand, l’autre en français, le nom d’Ambroise Thomas.

— Au Casinon de Vichy, réussite complète pour Werther et ses deux principaux interprètes, Mlle Wyns et M. Leprestre, qui ont supérieurement rendu l’œuvre attachante de Massenet. Quelques jours auparavant Manon avait également triomphé, avec le même M. Leprestre, M. Montfort et Mlle Merguillier.

— Au Casino Club, de Cauterets, continuation des triomphes de l’orchestre Danbé. Au 6e concert, le public a bissé les Pizzicati de Sylvia, la Méditation de Thaïs, jouée par M. Italiander, et les stances de Lakmé, chantées par M. Fournets. Très gros succès aussi pour l’air du Cid, chanté par Mlle Brusac, et pour Pensée d’automne, chantée par Mlle Bogey.

— À Rouen, grand succès pour le festival Joncières et Pierné, à l’Exposition, qui a valu de chaleureux applaudissements à Mlle Pacary, Mme Roger-Miclos, MM. Paz et Albert Lambert fils. L’orchestre et les chœurs, sous l’habile direction de M. Brument, ont eu une large part dans le succès de cette intéressante soirée musicale.

— À Nevers, salle Vauban, Mme Combrisson, professeur émérite, vient de donner un audition des œuvres de L. Filliaux-Tiger. L’exécution a été excellente ; aussi les applaudissements n’ont pas manqué au professeur et au compositeur. Parmi les morceaux les plus applaudis, citons Source capricieuse, Crépuscule et Roman d’Arlequin, de Massenet, Vieille Chanson, quatre mains, et Danse russe, d’Armingaud, brillamment exécutés.

— On nous écrit de Châteauroux pour nous signaler le grand succès obtenu par l’audition des élèves de l’institution de Mlles Turmeau. On a applaudi Mlles M. L. et L. B. (Dimanche matin es Scènes alsaciennes, Massenet) ; B. G. (L’oiseau s’envole de Paul et Virginie, V. Massé) ; A. D. (l’Âme des oiseaux, Massenet) ; M.-L. T. (Entr’acte-gavotte de Mignon pour violon, A. Thomas) ; G. N. et A. M. (duo du Roi l’a dit, Delibes) ; G. T. (Pourquoi ? de Lakmé, Delibes) ; M. B. (Souvenir, Lack) ; V. M. (le Missel, Faure) ; M. A., E. N. J. B. et L. G. (Roman d’Arlequin, Massenet) ; C. N. (Source capricieuse, Filliaux-Tiger) ; M. L. et L. B. (ROmance et Guitare de Conte d’avril, Widor) ; B. T. (Légende de Saint François d’Assise de Xavière, Th. Dubois) ; J. P. (Musette du xviie siècle, Périlhou) ; E. P. (l’Oiseau-mouche, Lack) ; G. N. (Expansion de Xavière, Th. Dubois), et aussi les cours de chant d’ensemble dans les Pantins, de Blanc et Dauphin, l’Ave Maria de Gounod et les chœurs d’Athalie de Mendelssohn.

— Pour la Fête de l’Adoration, Mme Ge Lebaudy a fait exécuter, en la coquette église de Rosny-sur-Seine, une messe inédite de M. Ferdinand Schneider. L’œuvre, ou passe un souffle vraiment religieux, est écrite suivant les grandes traditions. Exécution remarquable : chœurs, soli et orchestre composés exclusivement de lauréats du Conservatoire.

— Le Salut solennel organisé en la petite église de Vaux (Seine-et-Oise) par Mmes De Marochetti et Girard, a été des plus réussis. Parmi les numéros à sensation il convient de citer Charité, de Rossini, les soli de Mlle Vormèse, l’habile violoniste, le quatuor du Stabat de Mme de Grandval, l’Extase, de Salomon, chantée par M. Séguy, l’Inflammatus de Rossini, par Mme Marie Morel, et le Crucifix, de Faure, par Mme Girard et M. Paul Séguy et, par ce dernier seul, l’O Salutaris du même auteur.

NÉCROLOGIE

Dans sa villa de Gênes s’est éteint Joseph-Alfred Novello, à l’âge de 86 ans. Né à Londres en 1810, il débuta d’abord comme basse chantante et se fit ensuite, à l’âge de 19 ans, éditeur de musique. Sa maison devint bientôt prospère ; il fut nommé fournisseur de la cour par la reine Adélaïde et commença, en 1836, la publication du journal the Musical World. Novello publia un grand nombre de compositions classiques et révolutionna le commerce de musique en Angleterre par la publication de son Manuel choral (Choral Hand-Book) au prix de trois pence 30 (centimes) la page. Il publia aussi beaucoup de chansons pour amateurs, et ses trois sœurs, excellentes chanteuses, l’aidaient beaucoup en propageant surtout les chansons publiées par leur frère. En 1844, Novello commença la publication du Musical Timas, qui est resté fort vivant. Quelques années plus tard, en 1850, Novello adressa à la Chambre des communes sa fameuse pétition demandant l’abolition de l’impôt inique qui grevait alors, en Angleterre, le papier, les annonces et les journaux, et il eut la satisfaction d’obtenir gain de cause. En 1857 Novello prit sa retraite, bien gagnée, et vécut d’abord à Nice et ensuite à Gênes, d’où il suivait avec intérêt la mason et les journaux qu’il avait fondés.

Bn.

— À Padoue vient de mourir, à l’âge de 80 ans, un artiste qui s’était fait en Italie une certaine réputation comme compositeur, chef d’orchestre et professeur de chant, Achille Graffigna, né à San Martino dall’Argine le 5 mai 1816. Ancien élève de Rolla au Conservatoire de Milan, il avait à peine 18 ans qu’il était engagé comme chef d’orchestre au théâtre de Cagliari. Il continua pendant quarante ans cette carrière de maestro concertatore’tout en faisant représenter, d’ailleurs sans grand succès, d’assez nombreux ouvrages dont voici la liste : un Lampo d’infedeltá ; Ildegonda e Rizzardo (Milan, 1841) ; Eleonora di San Bonifacio (Vérone) ; Mignon e Fanfan (1844) ; gli Ultimi Giorni di Suli (Odessa) ; Ester d’Engaddi (Odessa) ; i Due Rivali (Mantoue) ; Maria di Brabante (Trieste, 1852) ; l’Assedio di Malta (Padoue, 1853) ; Veronica Cybo (Mantoue, 1858), qu’il fit représenter à Paris en 1865, sur notre Théâtre-Italien, avec un fiasco complet, sous le titre de la Duchessa di San Giuliano ; il Barbiere di Siviglia (Padoue, 1879) ; il Matrimonio segreto (Florence, 1883) ; la Pazza per progretto (Lucques, 1884) ; la Buona Figliuola (Milan, 1886) ; i Nipoti del borgomastro (Florence, 1887) ; Mandragola (Turin, 1888). À tout cela il faut ajouter un ballet, la Conquista di Granata, représenté à Milan en 1839, puis plusieurs messes et un assez grand nombre de mélodies vocales.