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LE MÉNESTREL

— En attendant, M. Carvalho porte surtout son attention, avec la reprise de Don Juan, sur la Cendrillon de M. Massenet, dont la distribution est presque arrêtée. Il semble qu’on pense aussi à réorganiser et à régénérer le petit corps de ballet de la maison. Du moins l’engagement de Mlle Jeanne Lamothe, étoile chorégraphique du théâtre de la Gaité, semble l’indiquer.

— Il convient de signaler le très grand succès de Mlle Grandjean à l’Opéra dans le rôle d’Elsa de Lohengrin. Le public a fêté la jeune artiste d’un bout à l’autre de la représentation. Cela a été une soirée des plus intéressantes.

— De M. Jules Huret, du Figaro : « Le fils d’un sportsman très connu a obtenu, il y a quelques jours, une audition des directeurs de l’Opéra. Il s’est fait entendre dans le grand air de la Juive et y a révélé des qualités vocales extraordinaires. M. Gailhard se montrait enthousiaste de la force et de l’étendue inouïe de cette voix. Malheureusement, le futur ténor ne sait rien de son art. On va le faire entrer au Conservatoire pour commencer ses études de solfège, et comme il a vingt quatre ans il lui faudra une dispense qu’on obtiendra sûrement, en raison des dispositions tout à fait miraculeuses du sujet. Il paraît en effet que la voix de ce « merle blanc » va du contre-la d’en bas au d’en haut ! La voix de Fauro augmentée de celle de Duc ! On espère qu’après deux ans d’études au Conservatoire, ce gosier sans précédent pourra faire à l’Opéra des débuts qui seront à coup sûr sensationnels. »

— Les concours à huis clos prenaient fin samedi dernier, au Conservatoire, par la séance consacrée à l’accompagnement au piano. Les récompenses ont été cette année peu nombreuses, une seule pour chaque sexe. Pour les hommes, un second prix a été décerné à M. Jumel ; pour les femmes, un second accessit à Mlle Louise Lhote.

Rappelons que c’est demain lundi que commence la série des concours publics, et que la semaine est ainsi occuée : lundi, à 9 heures : contrebasse, alto, violoncelle ; mardi, à 1 heure : chant (hommes) ; mercredi, à 1 heure : chant (femmes) ; jeudi, à 10 heures : harpe, piano (hommes) ; vendredi, à 9 heures : tragédie, comédie ; samedi, à 1 heure : opéra-comique.

M. Saint-Saëns est en ce moment à Saint-Germain, où il travaille à son nouveau ballet, les Filles d’Arles (livret de M. J. Croze), dont la première représentation sera donnée au théâtre de la Monnaie de Bruxelles.

— On est vif et précipité dans le Midi. Mais c’est égal, profiter de ce qu’on est de Toulouse pour annoncer tant d’années à l’avance la mort d’un artiste comme Francis Planté, c’est aller un peu vite en besogne. Ainsi avait fait cependant notre ami Salvayre dans le Gil Blas de cette semaine, portant la tristesse dans le cœur de tous les amis du célèbre virtuose, tristesse d’autant plus noire que l’étonnant critique n’enterrait pas précisément sous des fleurs le soi-disant défunt. Heureusement Planté est toujours là, solide au poste et bien portant, et il demeure, n’en déplaire à {{Salvayre}}, le plus surprenant virtuose du piano que nous puissions opposer, en France, aux Rubinstein et aux Liszt. Ceux-ci le savaient bien et étaient les premiers à reconnaître que leur émule Planté avait des qualités qu’eux mêmes ne possédaient pas : cette clarté, cette pure correction, ce charme et cette élégance qu’on ne trouve que chez nous. Est-ce donc si peu de chose qu’on puisse en parler avec tant de désinvolture ?

— Puisque nous parlons de Planté et de Rubinstein, rappelons le joli propos que nous tint ce dernier, quand nous lui demandâmes pourquoi il ne mettait plus sur ses programmes sa fameuse Valse-caprice : « La Valse-caprice ? ma foi non ! Je n’ose plus l’aborder après ce magicien de Planté. J’ai l’air d’un éléphant qui veut jouer avec des fleurs. J’écras où Planté voltige ».

M. O. Lartigue, secrétaire général de l’Exposition du théâtre et de la musique, nous pris de rappeler aux nombreux collectionneurs qui ont bien voulu promettre de faire figurer des objets de leurs collections dans les sections artistiques, documentaire et rétrospective, placée sous la direction de M. Yveling RamBaud, que le moment est venu de faire parvenir ces objets à notre confrère, au palais de l’Industrie, porte 4, ou d’indiquer le jour et l’heure où il pourra les faire prendre chez eux. L’ouverture de l’Exposition du théâtre et de la musique est toujours fixée au 25 juillet irrévocablement. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, et nous rendrons compte de cette intéressante manifestation artistique.

— Hier samedi, à l’Exposition de Roue, festival Saint-Saëns, avec le concours de Mme Chrétien-Vaguet, de M. Vaguet et de M. Notté de l’Opéra, de Mlle Jenny Passama et de M. Louis Diémer. Programme. — 1re partie : la Lyre et la Harpe, ode symphonique, poésie de Victor Hugo. 2e partie : le Rouet d’Omphale. — 4e concerto pour piano. — Danse macabre. — duo de Samson et Dalila, — finale du ballet d’Étienne Marcel. — L’orchestre et les chœurs, comprenant cent cinquante exécutants, sous la direction de M. N. Brument.

— Lundi dernier a eu lieu l’ouverture du Casino-club de Cauterets, et le maestro Danbé, comme il fallait s’y attendre, a été, la soirée entière, l’objet d’acclamations enthousiastes. On a fait recommencer à l’excellent orchestre la Parade militaire de Massenet, et si l’on n’avait pas craint d’allonger démesurément le programme on en aurait fait autant pour les Airs de danse du Roi s’amuse de Delibes, et pour le Caprice de Saint-Saëns, très bien joué par M. Italiander. Beau succès aussi pour Mlle Brussac et M. Claverie dans le duo de Sigurd de Reyer, pour M. Claverie dans l’air d’Hérodiade de Massenet, et pour M. Bogny dans Pensée d’automne de Massenet. Très belle soirée, qui laisse deviner combien sera brillante la saison de Cauterets.

— Un concours aura lieu le lundi 27 juillet prochain, à deux heures du soir, à la basilique de Saint-Denis, pour une place d’organiste-maître de chapelle et pour deux places de chantres. S’adresser, pour tous renseignements et inscriptions, chez M. Clovis Floquet, trésorier, 110, rue de Paris, à Saint-Denis.

Mlle Hortense Parent vient de publier, chez l’éditeur Thauvin, le texte des deux conférences fort intéressantes qu’elle a faites à la Sorbonne, avec le succès que l’on sait, sur l’enseignement du piano. Elle a dédié son opuscule à M. Gréard, membre de l’Académie française.

— Chez Mme Audousset, à Neuilly, très brillante matinée musicale. Les élèves ont toutes très bien joué. Citons parmi les morceaux les plus applaudis la Sicilienne de Lack, les airs de ballet de Sylvia de Léo Delibes, etc. Réunion très intéressante.

NÉCROLOGIE

Les lettres ont fait cette semaine une perte sensible. Le dernier survivant des frères de Goncourt, Edmnid, est mort mercredi dernier, subitement à Champrosay, chez M. Alphonse Daudet, où il allait chaque année passer quelques semaines. Il était âgé de 74. Nous ne saurions décrire ici la carrière littéraire, à la fois très curieuse, très intéressante et très inégale de cet écrivain qui avait du moins le respect et le souci le plus absolu de la profession littéraire. Nous nous bornerons à rappeler qu’il s’occupa quelque peu de théâtre et qu’il fit représenter plusieurs pièces dont voici les titres : Henriette Maréchal (Comédie-Française) ; Germinie Lacerteux (Odéon) ; Manette Salomon (Vaudeville) ; À bas le progrès et la Patrie est en danger (Théâtre-Libre). À l’aurore de leur carrière, les deux frères de Goncourt avaient publié, en société avec leur ami le comte de Villedeuil (qui signait : Cornélius Hoff), un volume intitulé les Mystères des théâtres, qui était une revue critique de la production théâtrale en 1852.

— C’est avec une véritable tristesse que nous annonçons la mort presque subite d’un des deux frères Lionnet, Anatole, enlevé jeudi dernier par une angine. La génération présente n’a pas connu ces deux aimables jumeaux, d’une ressemblance si prodigieuse, qui firent pendant un quart de siècle la joie des grands salons parisiens, mais qui, depuis déjà plus de dix ans, s’étaient réduits au silence. Petits de taille, de tournure élégante, les yeux et les cheveux noirs, doués chacun d’une voix un peu faible, mais caressante et bien conduite, ils chantaient avec un goût véritable des romances que bien des musiciens écrivaient pour eux, et aussi des duos dans lesquels leurs voix se mariaient de la façon la plus harmonieuse et la plus charmante. Il fut un temps où il ne se donnait pas un concert, pas une soirée un peu distinguée sans que « les Lionnet » soient de la partie. Inséparables d’ailleurs, on ne voyait jamais Anatole sans Hyppolyte ou Hyppolyte sans Anatole. Et ils n’étaient pas seulement des artistes aimables et distingués ; ils étaient des gens de cœur qui, au temps de leurs grands succès, mettaient à profit leur gentille renommée pour saisir toutes les occasions d’être utiles à autrui. Non seulement ils ne refusaient jamais leur concours à qui en avait besoin, mais ils venaient spontanément en aide à toutes les infortunes artistiques, et l’on se rappelle la peine qu’ils prirent pour organiser de superbes représentations au bénéfice de Frédérik Lemaître, de Rouvière, de Renard, et de bien d’autres. C’est eux aussi qui, régulièrement, chaque année, organisaient à Bicêtre et à la Salpétrière une petite fête musicale touchante qui faisait la joie des pauvres fous et des pauvres folles et qui leur procurait deux heures d’oubli et d’une sorte d’extase délicieuse. Justement, il y a quelques jours à peine, au concert qu’ils avaient monté à la Salpétrière, Anatole était obligé d’expliquer l’absence de son frère, qui était malade… et c’est lui qui est parti pour ne plus revenir ! et c’est lui qu’on a conduit hier à sa dernière demeure ! Tous ceux qui ont connu les deux frères donneront un souvenir à celui qui n’est plus sans avoir l’espoir de consoler celui qui reste.

A. P.

— On annonce de Milan la mort de M. Raffaele Parravicini qui fut, pendant plusieurs années, critique théâtral du journal il Sécolo. Lettré distingué, bon musicien et s’occupant aussi de peinture, il était auteur de plusieurs livrets d’opéras, et il avait composé la musique d’un certain nombre de romances ainsi que celle de quelques opérettes, entre autre une opérette en dialecte milanais, i Disgrazzii del sur Sprella, qui avait obtenu un succès mérité.


Henri Heugel, directeur-gérant.


JEUNE MUSICIEN HOLLANDAIS
, directeur d’un grand orchestre en Hollande, compositeur de différentes opérettes, cherche, pour tout de suite ou pour plus tard, place comme directeur de concerts ou d’opérettes. Certificats de premier ordre. Offres à la Soc. anon.

DE NIEUWE MUSIEKHANDEL
AMSTERDAM