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3418. — 62me ANNÉE — No 27.
Dimanche 5 Juillet 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE

i. La première salle Favart et l’Opéra-Comique, 3e partie (9e article), Arthur Pougin. - ii. Sur le Jeu de Robin et Marion d’Adam de la Halle (3e article, Julien Tiersot. - iii. Musique et prison (9e article) : La Bastille et les prisons d’État sous l’ancien régime, Paul d’Estrée. - iv. Nouvelles diverses et concerts.

MUSIQUE DE PIANO

Nos abonnés à la musique de piano recevront, avec le numéro de ce jour :

DANSE JAPONAISE

de Paul Wachs. — Suivra immédiatement : Valse mélancolique, tirée des Impressions et Souvenirs, de Marmontel.


MUSIQUE DE CHANT

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de chant : Au bord du ruisseau, de Lucien Lambert, poésie de Maurens. — Suivra immédiatement : Si je savais, mélodie de Louis Diémer, poésie de Henri Becque.

LA PREMIÈRE SALLE FAVART

et

L’OPÉRA-COMIQUE

1801-1838

TROISIÈME PARTIE

ii
(Suite)

Le Perruquier de la Régence fut donc très bien accueilli. On en peut dire autant d’un autre ouvrage en trois actes, Marguerite, représenté le 18 juin, qui servait au début d’un jeune compositeur encore inconnu malgré la célébrité du nom qu’il portait. Je veux parler d’Adrien Boieldieu, fils de l’auteur de la Dame blanche, qui se présentait au public sous le patronage de deux collaborateurs chevronnés, Scribe et Dupin. Ce début était heureux et semblait promettre plus que ce que donna par la suite le compositeur.

Il fut suivi d’un autre, plus heureux encore, celui de Clapisson, qui se présentait pourtant au public dans des conditions singulièrement difficiles, et avec un ouvrage en cinq actes, fait sans exemple dans les annales de l’Opéra-Comique. Connu seulement jusqu’alors par quelques agréables romances, Clapisson avait accepté des mains de Scribe et Dupin un livret qui, répété d’abord sous le titre de Judith, prit à la scène celui de la Figurante ou l’Amour et la danse. Tiré par les auteurs d’une nouvelle de Scribe lui-même, intitulée Judith ou une Loge d’opéra et qui avait été publiée en feuilleton dans un journal important, ce livret n’était venu, en désespoir de cause, aux mains de Clapisson qu’après une foule de péripéties. On peut en juger par ce petit historique de l’ouvrage que le Ménestrel traçait après sa représentation :

« De même que les individus, les pièces de théâtre ont leur biographie, leur vie aventureuse et accidentée. Celle dont nous nous occupons a subi bien des transformations et passé par toutes sortes d’épreuves. Née feuilleton, elle s’est d’abord métamorphosée en vaudeville, puis elle est passée à l’état de livre, pour être ensuite arrangée en cinq actes, essuyer les refus de deux directeurs de théâtres et le dédain de deux compositeurs. Il ne fallait pas une médiocre dose de courage pour livrer aux chances de la publicité un libretto qui offrait des situations déjà exploitées dans le Domino noir et l’Ambassadrice, des invraisemblances choquantes et enfin des détails d’une trivialité inouïe. Or, il se trouvait là, à la porte du théâtre, un jeune artiste connu par des productions originales et des succès de salon ; lui confier le poème de la Figurante était presque une perfidie ; on le lui confia, et de plus on lui prescrivit un délai de deux mois. Qui n’eût pas reculé devant une semblable responsabilité ? Mais il y a de ces joueurs déterminés qui sacrifient tout à une idée fixe. M. Clapisson a joué tout son avenir sur une mauvaise carte, et il a gagné. »


Clapisson, en effet, n’eut pas à regretter une audace qui eût pu lui coûter cher et, au lieu de l’aider, entraver pour longtemps sa carrière, si une chute en eût été la conséquence. En réalité, il avait déjà donné des preuves de talent dans ce premier ouvrage, si bien que loin d’essuyer une chute, la Figurante, offerte au public le 24 août, fut si bien accueillie par lui qu’elle put fournir une série de près de cinquante représentations, ce qui en tout temps, et surtout à cette époque, pouvait être considéré comme un succès fort honorable. La pièce était d’ailleurs fort bien jouée et chantée par Roger, alors à ses débuts, Grignon, Mlles Jenny Colon et Rossi.

Le 26 septembre paraissait Thérèse, deux actes de Planard et de Leuven, aussi piteux que la musique de leur collaborateur Carafa, suivie, le 4 octobre, de la Dame d’honneur, un acte de Paul Duport et Édouard Monnais pour les paroles, de Despréaux pour la musique, que les spectateurs reçurent d’une façon très favorable. Vint ensuite, le 31 octobre, le Brasseur de Preston, trois actes dus aux auteurs du Postillon de Lonjumeau, c’est-à-dire de Leuven et Brunswick d’une part, Adolphe Adam de l’autre. L’œuvre, accorte et réjouissante au point de vue général, mais un peu trop vulgaire, était de seconde main en ce qui concerne la musique : très alerte, très vivante, mais manquant à la fois de nouveauté et de distinction. Aussi n’a-t-elle point résisté aux ravages du temps, en dépit du succès très réel qu’elle obtint à son apparition. Comme dans le Postillon, les trois rôles principaux étaient tenus par Chollet, Henri et Mlle Prévost. Deux petits ouvrages terminent le bilan de cette année : Zurich, paroles de Léon Pillet, futur directeur de l’Opéra, musique du violon-