Page:Le Ménestrel - 1896 - n°24.pdf/1

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE

i. La première salle Favart et l’Opéra-Comique, 3e partie (6e article), Arthur Pougin. — ii. Semaine théâtrale : reprise du Pardon de Ploërmel à l’Opéra-Comique, A-P. — iii. La musique et le théâtre au Salon des Champs-Élysées (7e article), Camille Le Senne. — iv. Musique et prison (7e article) : La Bastille et les prisons d’État sous l’ancien régime, Paul d’Estrée. — v. Nouvelles diverses, concerts et nécrologie.


MUSIQUE DE CHANT

Nos abonnés à la musique de chant recevront, avec le numéro de ce jour :

SI JE NE T’AIMAIS PAS

nouvelle mélodie de E. Moret, poésie de E. Haraucourt. — Suivra immédiatement : Aubade printanière, de Paul Lacombe, adaptation de Jules Ruelle.


MUSIQUE DE PIANO

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de piano : Matutina, de Cesare Galeotti. — Suivra immédiatement : Danse japonaise, de Paul Wachs.


LA PREMIÈRE SALLE FAVART

et

L’OPÉRA-COMIQUE

1801-1838

TROISIÈME PARTIE

ii
(Suite)

C’était l’année des compositeurs débutants. En voici encore un, Eugène Prévost, qui aborde la scène de l’Opéra-Comique le 13 octobre, avec un « opéra bouffon » en deux actes, Cosimo, écrit par lui sur un livret de Paul Duport et Saint-Hilaire. Je dois remarquer toutefois que Prévost, élève de Lesueur et grand prix de Rome de 1831, profitant de la liberté furtive dont les théâtres avaient un instant bénéficié à la suite de la révolution de Juillet, avait fait jouer à l’Ambigu, avant même de remporter son prix, deux petits opéras en un acte, l’Hôtel des Princes et le Grenadier de Wagram, représentés le 23 avril et le 14 mai 1831. Il était donc un peu aguerri déjà lorsqu’il présenta au public de l’Opéra-Comique son Cosimo, que celui-ci accueillit avec quelque faveur. Ce qui n’empêcha pas le jeune artiste de partir bientôt en qualité de chef d’orchestre pour la Nouvelle-Orléans, d’où il ne revint qu’après un quart de siècle.

Un drame lyrique en quatre actes, répété d’abord sous le titre de Mathilde, paraissait le 16 novembre sous celui de la Grande-Duchesse. Le livret, absolument insipide, avait pour auteurs Merville et Mélesville ; la musique, meilleure, mais dépourvue d’originalité, était de Carafa. Les qualités de celles-ci ne purent faire pardonner les vices de celui-là. La Grande Duchesse, fauchée dans sa fleur, mourut à peine âgée de seize représentations. Elle céda la place à l’Éclair, trois actes de Planard et Saint-Georges, avec musique d’Halévy, qu’on vit paraître le 16 décembre. Trois actes, sans chœurs, avec quatre personnages seulement ! C’était un tour de force à accomplir. Halévy l’accomplit de la façon la plus heureuse, et remporta avec l’Éclair, qui devait s’appeler d’abord le Coup de foudre, l’un des succès les plus brillants de sa brillante carrière. L’ouvrage, merveilleusement joué par Chollet, Couderc, Mme Pradher et Mlle Camoin, termina dignement une année qui comptait déjà les succès de la Marquise, du Cheval de bronze et des Deux Reines.

C’est simplement pour mémoire qu’il faut enregistrer la naissance, à la date d 14 janvier, d’un acte intitulé Gasparo, qui ouvrait d’une façon assez fâcheuse l’année 1836. L’enfant mourut après trois soirées d’une existence obscure. Il avait pour pères deux vaudevillistes nommés de Forges et Émile Vanderburck, auxquels s’était joint le compositeur Rifaut, qui n’avait pas à se louer de ses compagnons en cette circonstance.

Mais l’Opéra-Comique préparait un coup d’éclat. Une chanteuse exquise et dont la renommée était immense, qui s’était fait acclamer au Théâtre-Italien d’abord, à l’Opéra ensuite, venait d’avoir des difficultés avec ce dernier, qui faisait la maladresse de la laisser partir. Crosnier s’empressa de l’engager, et elle fournir à l’Opéra-Comique une nouvelle carrière, aussi brillante pour le moins que celle qu’elle avait parcourue jusqu’alors. On devine que je veux parler de Mme Damoreau, alors dans tout le rayonnement de son talent exquis et de sa beauté pleine d’élégance. Mais il fallait une œuvre nouvelle pour donner à l’apparition de la cantatrice sur cette nouvelle scène tout l’éclat qu’on lui désirait. On s’adressa à Scribe et Auber, dont elle avait partagé les succès à l’Opéra dans le Dieu et la Bayadère, le Philtre et le Serment. Ceux-ci n’avaient de prêt aucun ouvrage important ; mais ils songèrent à adapter à son intention un acte qu’ils avaient précisément écrit pour elle et pour l’Opéra. C’est ce que le Courrier des Théâtres faisait connaître en ces termes à ses lecteurs : — « Le poète et le musicien qui mettent avec tant de bonheur leurs talents en participation travaillent à la pièce dans laquelle Mme Damoreau débutera à l’Opéra-Comique. Pour aller plus vite, on puise dans le tiroir aux ouvrages confectionnés. On y a trouvé un acte destiné à l’Opéra et dans lequel la transfuge à roulades devait également remplir un rôle. Avec les petits vers fabriqués pour le récitatif on fait