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rues et passaiges », devinrent le réceptacle de la populace la moins recommandable ; les habitants du quartier adressèrent au Consulat des plaintes

réitérées au sujet des « baptures, scandalles et tumultes » qui avaient pour théâtre les abords du cimetière de Saint-George, « jusques auprès et dedans ladicte esglise » ; on cite même la mésaventure d’un vieux prêtre, « lequel ayant sermonné des jeunes desbauchés qui jouoient dans le cimetière, fut assailli par eux à grands coups de pierre, pougnards ou dagues, tellement qu’ilz lui fendirent la joue jusques aux dents et le blessarent usque ad necem (à mort). » — Le voisinage des ports de la Saône, où débarquent à chaque instant les mariniers, contribuait peut-être à alimenter le désordre. Ceux-ci formaient des bandes et parcouraient les rues, précédés de tambourins et portant des chapeaux, des livrées et des enseignes de couleur blanche, verte et jaune, si bien que le Consulat craignit un instant « quelque mutination et surprinse ». Mais, depuis longtemps, ce vieux quartier a été purgé de ses principaux éléments de scandale. C’est dans la partie basse, vers la porte Saint-George, que les mariniers ont leurs cabarets et leurs auberges, et les échos de leurs chansons ne viennent que rarement arracher au sommeil les paisibles « inquilins » du bas du Gourguillon ou de Saint-Pierre-le-Vieux.

Dans la rue Saint-George, un peu moins étroite que les affreuses ruelles entrevues tout à heure, nous retrouvons, à la plupart des fenêtres, les fameux châssis recouverts de papier huilé, que l’on monte et descend au moyen d’une corde : particularité lyonnaise dont s’égayait fort Je bon roi Henri IV, qui, plaisamment, appelait Lyon « ma bonne ville de papier ». Si les fenêtres sont dépourvues de vitres, elles ont encore moins de volets ; cent ans plus tard, une maison munie de volets à toutes ses fenêtres sera encore assez peu commune pour que le propriétaire prenne soin de le mentionner dans le bail. — La rue Saint-George n’en offre pas moins, dans sa longue suite de constructions étroites, un certain nombre de maisons d’une certaine élégance architecturale-