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le lyon de nos pères

branlantes, et, sur le sol dépourvu de pavé, un cloaque aux eaux verdâtres et nauséabondes, constamment entretenu par les gouttières de bois, qui, là comme

ailleurs, se déversent au milieu de la chaussée. La Boucherie ouverte, qui traverse ces ruelles du nord au midi, rend ce quartier plus repoussant encore et plus impraticable. Installée dans la rue de ce nom ou rue de Lort (plus tard rue de l’Ours), qui aboutit flanc nord de l'église Saint-George, elle y occupe, du côté occidental, toute la rangée des boutiques, obligatoirement louées à des bouchers. Là sont entassés les tueries et les étaux : il n’y a pas, comme dans les quartiers des Terreaux et du Grand-Hôpital, de construction spécialement affectée à cet usage. Sous de larges auvents fixés au-dessus des arcs de

boutique et formant une sorte de tunnel où ne pénètrent ni l’air ni la lumière, les bouchers, trop à l’étroit dans leurs sombres réduits, dépècent la viande en pleine rue ; c’est à travers un ruisseau de sang que l’on aborde ce lieu ignoble, où les ménagères sont forcées de venir s’approvisionner. Il est interdit aux bouchers d’exercer leur profession en dehors des emplacements désignés par le Consulat. Des raisons de salubrité aussi bien que de sécurité publique ont exigé que les tueries fussent réunies sur certains points de la ville, à proximité des portes ; mais ces boucheries, et particulièrement les boucheries ouvertes de Saint-George et de Saint-Paul, n’en sont pas moins des foyers de pestilence, et l’on s’explique aisément que les rues avoisinantes soient abandonnées à une population de pauvres artisans.

Mal délimitées, ces chétives artères ont souvent changé de nom, et les noms plusieurs fois changé de place. Ce furent la rue du Juis, de Luert, de Lort ou de l’Ort {de Horto, du Jardin), puis de l’Or ; la rue de Ferrechat ou Ferrachat, par allusion à quelque anecdote oubliée ; la rue du Viel-Renversé, nom sans doute emprunté à une enseigne ; enfin, grimpant au flanc du coteau et allant aboutir, en forme d’Y, au Gourguillon, la montée des Pies ou des Espies (des Epies) et la rue Breneuse, qui conservera au xviiie siècle, sous les appellations de rue Foireuse, rue de Bourdille, puis de Bourdy, son renom de voie infecte et mal famée.

Vers le milieu du xvie siècle, après la fermeture des étuves qui pullulaient dans tous les quartiers de la ville, la rue Ferrachat et ses entours, « lieu fort à l’escart et loing des bonnes