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le lyon de nos pères

singularité a fourni à l’auteur de Gargantua le sujet d’un plaisant épisode. — « Un jour, dit-il, le seigneur de Painensac visita son père en gros train et apparat, auquel jour l’estoient semblablement venus voir le duc de Francrepas, et le comte de Mouillevent. Par ma foi, le logis fut un peu estroict pour tant de gents, et singulièrement les estables : donc les maistre d’hostel et fourrier dudict seigneur de Painensac, pour savoir si ailleurs en la maison estoient estables vaques, s'adressarrent à Gargantua jeune garsonnet, lui demandants secrètement où estoient les estables des grands chevaulx, pensants que

voluntiers les enfants decèlent tout. Lors il les mena par les grands degrés du chasteau, passant par la seconde salle en une grande galerie, par laquelle entrarent en une grosse tour, et eux montants par d’aultres degrés, dist le fourrier au maistre d’hostel : « Cet enfant nous abuse, car les estables ne sont jamais au hault de la maison. — C'est dist le maistre d’hostel, mal entendu à vous : car je serai des lieux à Lyon… et ailleurs, où les estables sont au plus hault du logis : ainsi peult estre que derrière y ha issue au montoir (un chemin où l’on peut monter à cheval). »

C’est apparemment cette disposition d’un grand nombre de maisons adossées à la colline qui fera dire à ce hâbleur de Samuel Chappuzeau, que Lyon ne peut sans doute rivaliser avec Paris ou Londres, mais que, les bâtiments y étant presque tous de six étages, la ville correspond à « trois Constantinoples ou trois Caires l'un sur l'autre ».

Nous sommes arrivés au carrefour ou « treyve » du Gourguillon. C’est là que, dans le second quart du xve siècle, Nicolas Laurencin tenait l’hôtellerie des Trois-Fontaines, bien qu’il possédât déjà plusieurs maisons de ville et des propriétés rurales. A gauche, nous trouvons, une petite construction gothique et renaissance (25, rue Tramassac), qui est un intéressant modèle de l’habitation bourgeoise lyonnaise à la fin du xve siècle, avec ses arcs moulurés reposant sur des fûts de colonnes, ses voûtes à nervures, son élégant escalier à noyau supporté par de légères colonnettes et, à chaque étage, une galerie s’ouvrant sur la cour par une large baie. Au pied de la montée du Gourguillon (n° 2), est une superbe maison de la période de transition du xve au xvie siècle, remarquable par la richesse et le travail des matériaux, comme par la largeur et la beauté des fenêtres à doubles meneaux et à couronnements refouillés, ornées de figures grotesques aux retombées des cordons ; rien n’a été négligé pour en faire une élégante et agréable demeure ;