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illustres ; parmi vingt autres, la reine Christine de Suède, le comte de Provence, Napoléon allant à Milan, avec l’impératrice Joséphine, se faire sacrer roi d’Italie, puis, au retour de l’ile d’Elbe, chassant devant lui le comte d’Artois ; plus tard encore, le duc et la duchesse d’Angoulême, le futur roi Louis-Philippe… C’est bien, en réalité, toute l’histoire de France, qui aura défilé, au cours des siècles, dans la petite cité ecclésiastique.

Enfin, comme si rien ne devait manquer à l’histoire si mouvementée de Saint-Jean, des comédiens italiens donnèrent des représentations à la Manécanterie, dans la salle des clergeons, en 1518, devant Catherine de

Médicis et Henri II, et en 1600, devant Henri IV et Marie de Médicis. On devine quelle perturbation événements si extraordinaires viennent jeter dans la vie si régulière du Chapitre. Pour échapperà la foule, le clergé se refugie alors dans le « petit cloître », contigu au flanc méridional de Saint-Jean. C’est un vrai cloitre monacal, celui-là, formant un quadrilatère, avec line galerie couverte et bordée d’arcades ogivales à jour, qui sert de promenoir, et, au-dessus, les logements des enfants de chœur et de leurs supérieurs.

Du côté oriental, près de la porte par où l’on monte à grande salle de la Manécanterie, se trouve la chapelle édifiée au commencement du siècle par Philibert Tixier, perpétuel, « à l’honneur de Dieu nostve sauveur et rédempteur, de Sainte-Anne et de la glorieuse Vierge » : c’est dans cette chapelle que sont inhumés les perpétuels habitués. Au milieu du préau, on voit un puits, comme il y en a dans un grand nombre de monastères : le dimanche, avant la grand’mess, et après l’aspersion des autels, du clergé et du peuple, le célébrant vient asperger ce puits, dit une oraison, monte au premier étage de la Manécanterie et entre au réfectoire des clergeons, où il bénit le pain et le vin déposés sur la table, puis va dans la cuisine bénir aussi le feu et la marmite. — Ce bâtiment de la Manécanterie, ou au moins la façade, qui est sans doute le mur extérieur de la galerie occidentale de l’ancien cloitre du xie siècle, est un précieux monument de l’époque romane, à peu près contemporain de l’église d’Ainay ; avec sa charmante décoration architecturale, et ses incrustations et ses briques colorées, ses statues de haut-relief, la petite Manécanterie fait encore grande figure à côté de la puissante Cathédrale.

Au xviiie siècle, les deux ailes orientale et méridionale du petit cloître disparaîtront, ainsi que la chapelle de Saint-Anne, pour faire place à la pompeuse et massive construction de l’architecte Cyr Decrénice, destinée au logement du Chapitre, et dont la première pierre sera posée le 26 octobre 1768 ; par bonheur, la Révolution arrêtera l’exécution des derniers travaux et sauvera la vieille Manécanterie, qui, d’après les plans de Cyr Decrénice, était elle-même condamnée à la destruction.

Mais auparavant, le cloitre de Saint-Jean subira bien d’autres transformations. Dans la seconde moitié du xviie siècle, les prisons du bord de l’eau seront démolies et transférées dans un bâtiment