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le lyon de nos pères

éminemment religieux de cet immense vaisseau. Un mystérieux demi-jour emplit les trois nefs et les trois absides ; les piliers et leurs faisceaux de colonnettes s’élancent avec hardiesse, élevant vers les voûtes les regards et les pensées ; c’est une majestueuse simplicité de lignes, qui donne une puissante impression d’unité et de calme. Puis, l’attention se porte vers les grandes baies aux couleurs éclatantes, d’où tombent des rayons de lumière diaprée : ce sont les médaillons légendaires de l’abside, les merveilleuses verrières du xiiie siècle qui ferment les fenêtres hautes du chœur où sont figurés, avec un archaïsme tout oriental, des prophètes et des apôtres ; le vitrail de la chapelle de Saint-Pierre (actuellement de la Sainte-Vierge), un des plus beaux vestiges de l'art du xiiesiècle ; les roses des transepts, cette belle rosace méridionale représentant Adam et Ève avec le serpent à tête de femme, la grande rosace de la façade, exécutée à la fin du xive siècle par Henri de Nivelle ; et encore, dans la chapelle Saint-Michel, un vitrail du milieu du xve siècle, de Laurent Girardin ; dans la chapelle des Bourbons, les Anges aux banderoles, en grisaille sur fond bleu, œuvre élégante de Pierre de Paix, maitre verrier de la Cathédrale, de 1501 à 1502. Depuis des siècles, ces images aux couleurs harmonieuses ont gravé dans l’âme du peuple les histoires de l’Écriture Sainte et ses pieuses légendes ; c’est un livre toujours ouvert pour les pauvres gens, qui n’ont pas appris à lire ; avec les rayons de la foi, la radieuse lumière qui traverse ces admirables pages de verre apporte aux déshérités une parcelle d’art et de poésie.

Dans l’intérieur comme à l’extérieur de la Cathédrale, il a été commis d’irréparables ravages. Rien ne subsiste plus, dans le chœur, du tombeau monumental et de la statue agenouillée du cardinal de Saluces, œuvre superbe du Lyonnais Jacques Morel. Le magnifique jubé gothique, tout de marbre, de jaspe et de porphyre, sur lequel étaient sculptées les histoires du Vieil et du Nouveau Testament, fut également brisé, ses vestiges dispersés, et le grand Christ lamé d’argent, qui le surmontait, ignominieusement trainé par les rues. Le nouveau jubé qui clôt le chœur du côté de la grande nef, entre la sixième et la septième travée, est orné de colonnes corinthiennes surmontées d’un attique et enrichi de bas-reliefs ; il est fait de marbres blancs, noirs et rouges, et forme sept arcades, aux angles desquelles sont de gracieuses figures d’anges. Les deux arcades extrêmes encadrent des statues de saint Jean et de saint Étienne, placées dans des niches ; ces remarquables sculptures sont, comme la statue du grand portail, l’œuvre de Philippe Lalyame. Quatre arcades abritent de petits autels dédiés à la Trinité, au Saint-Esprit, à sainte Catherine et à saint Nicolas. Derrière cette façade est dressé sur une tribune un cinquième autel, où se dit chaque jour la messe de la Croix ; au-dessus, et à la place de l’ancien Christ d’argent, s’élève un beau Crucifix en bois, sculpté par un artiste de l’école de Michel-Ange.

L’escalier construit sous l’arcade centrale nous conduit dans le chœur ; c’est dans cette enceinte fermée aux regards de la foule que se trouvent les stalles des chanoines, adossées des deux côtés aux murs d’appui séparant le chœur des nefs latérales et aux parois intérieures du jubé. Devant nous, sur l’entablement du « râtelier » supporté par deux colonnes de cuivre hautes de six pieds, sont rangés sept flambeaux, rappelant les sept Églises de l’Apocalypse, et servant à éclairer le maitre-autel. Celui-ci, très bas, orné d’un parement à sa face antérieure et n’ayant que deux chandeliers sur sa table nue, est placé au milieu du sanctuaire, qu’entoure une balustrade ; derrière, sont attachées les deux croix processionnelles, souvenir de la réunion de l’Église