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le lyon de nos pères

Bellecour, pont des Comtes, pont Saint-Jean, pont de l’Archevêché, pont Tilsitt : en moins de trois siècles, sept noms différents. — Avec sa double rangée de petites boutiques et ses deux croix de bois plantées côte à côte sur la balustrade d’amont, le pont de Christophe Marie présente un coup d’œil extrêmement pittoresque. Il va se perdre sous une voûte qui donne accès dans le cloitre. Les comtes de Saint-Jean s’en sont réservé la garde sur leur rive ; le portier de l’Archevêché a l’ordre d’interdire le passage et de fermer la barrière, chaque soir, à neuf heures.


Devant nous, sur la droite, se dresse la Cathédrale, avec ses quatre tours carrées aux pures fenêtres ogivales, sa puissante nef, sa toiture aplatie dégageant les tours, ses arcs-boutants et ses transepts : elle domine, dans l’enceinte du cloitre, les clochers des autres églises, les minces tourelles, les hôtels des dignitaires du Chapitre, les petites maisons canoniales, tous ces édifices pressés sous la grande ombre de Saint-Jean et formant comme une petite cité dans la grande. Sur le bord même de la rivière, en aval et à l’entrée du pont, voici la maison d’Ars. En amont, et devant le palais de l’Archevêché, dont les bâtiments s’élèvent au midi de la basilique, un vieil édifice d’aspect rébarbatif a conservé toute la couleur féodale avec son énorme avant-corps en forme de hourd, posé en encorbellement sur des tours mi plongeant dans la Saône : ce sont les prisons. À la suite, et au chevet même de la Cathédrale, c’est le vieux port Saint-Jean, une toute petite place descendant en pente douce au bord de l’eau ; puis, baignant aussi dans la rivière, on aperçoit, en remontant vers l’extrémité septentrionale du cloitre, limitée par la rue Porte-Froc (aujourd’hui de la Bombarde), l’hôtel du grand-sacristain, l’hôtel de Savoie, près duquel se trouve la porte du même nom ; et derrière ces constructions de premier plan, apparaissent les chevets des églises parallèles de Saint-Étienne et de Sainte-Croix, curieusement accolées, côte à côte, au flanc droit de Saint-Jean. Tel est l’aspect extérieur du cloître, vu du Pont-de-Bois.

À la descente du pont, dont la culée a fait disparaître les maisons de la Trésorerie et de Labastie, nous nous trouvons dans une cour, où l’on voit, en face, l’auditoire de la justice générale du comté de Lyon, et la maison du bâtonnier ; à gauche, la tour carrée de l’Archidiaconé, et une des portes du cloitre, dite de Colonia, s’ouvrant, au midi, sur la rue Saint-Pierre-le Vieux ; à droite, entre le palais archiépiscopal, qui a, de ce côté, une entrée dans une tourelle d’escalier, et les prisons du bord de l’eau, un passage vouté, « les Voûtes de l’Archevêché », communique au port Saint-Jean, où s’amorce la rue des Estres, qui, ainsi que son nom l’indique, longe le chevet des trois églises, sur les terrains qui en dépendent. Devant nous, un portail, surmonté des armes de l’archevêque de Talaru et de celles du Chapitre, donne accès dans la cour de l’Archevêché ; depuis établissement du Pont-de-Bois, cette cour, qui autrefois appartenait par moitié à l’archevêque et au doyen, est devenue, en fait, une voie publique ; il y passe, à tout instant, des carrosses et des charrettes ; le Chapitre devra se résigner à « laisser comme en rue », de l’est à l’ouest, un espace convenable pour la circulation — la future rue de l’Archevêché, — tandis que l’on clora par un mur la partie de la cour comprise entre l’Archevêché et le « petit cloitre », situé au couchant.

Le palais archiépiscopal, reconstruit au xve siècle par le cardinal Charles de Bourbon et plusieurs fois agrandi et réparé, présente un aspect des plus irréguliers, avec ses différents corps de logis et sa tour carrée perdue au milieu des bâtiments. Sur la porte principale, sont gravées les armoiries du