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mette en communication le quartier de Bellecour et le cloitre de Saint-Jean : à l’occasion du Grand-Jubilé de 1546, qui attira une foule immense de fidèles, on avait établi sur des bateaux, derrière le chevet de la cathédrale, un pont de bois aboutissant aux degrés qui se trouvent devant l’église des Célestins ; c’était une sage mesure de précaution contre l’encombrement qui ne pouvait manquer de produire sur l’unique « Pont de Saône », entre Saint-Nizier et la place du Change, et aux abords du cloitre ; encore eût-on à déplorer la mort de plusieurs personnes, qui périrent étouffées. Un autre pont de bois fut construit au même endroit, en 1622, à l’occasion de l’entrée de Louis XIII. Mais ces travaux provisoires ne survécurent pas aux circonstances qui les avaient provoqués.

Le Lyon de nos pères, Vingtrinier et Drevet, 1901, page 028, Rougeron-Vignerot-Demoulin et Joannès Drevet, église Saint-Jean, ornementation d’un tombeau

Des intérêts contraires, aussi bien que le manque de ressources, s’opposaient à ce qu’ils fussent maintenus ; la difficulté de la traversée de la Saône sur ce point était une garantie de plus pour l’autonomie du Chapitre. Ce n’est qu’en 1634 que Christophe Marie, entrepreneur général des ponts de France, a obtenu l’autorisation de construire à ses frais un pont de bois permanent, moyennant le droit d’y percevoir un péage et d’y établir les trente-deux boutiques qui s’y trouvent, seize d’un côte et seize de l’autre. Avec se poutres armées et ses fermes, que les ingénieurs du xixe siècle croiront avoir inventées, le pont de Christophe Marie est, pour l’époque, une œuvre aussi habile que hardie ; néanmoins, il résiste mal aux glaces et aux grosses eaux ; il exige de grands frais d’entretien. Il faudra le reconstruire en 1663. Le péage sera supprimé par le Consulat à l’occasion de la naissance du dauphin, premier enfant issu du mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne ; quant aux petites boutiques, que l’on verra encore figurées sur des jetons du Consulat portant la date de 1672, elles seront remplacées, vers la fin du siècle, par un double rang de banquettes, où l’on ira se reposer, en respirant l’air frais de la rivière, et voir passer les bèches conduites par les batelières en robes blanches. Emporté par la terrible inondation du 25 février 1714, le pont de bois sera encore rétabli, pour être démoli en 1779 et faire place, après la Révolution, au pont de pierre de 1808, enfin à celui de 1864. Et, au cours de ces transformations successives, il s'appellera tour à tour pont de bois de la place Louis-le-Grand, pont de Belle-