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le lyon de nos pères

Bourgchanin, se trouvent les habitations des Sorles-Tardy, des Pignard, des Abraham Gillet, la belle maison Le Gros Serget avec sa tour quadrangulaire ornée de girouettes et percée de fenêtres géminées ; derrière ces habitations, au nord, sont de grands jardins plantés d’arbres. C’est ensuite, en poursuivant vers la Saône, le superbe hôtel du trésorier de Puget, situé à l’angle de la rue Confort (rue Saint-Dominique), sur laquelle s’ouvre une immense porte cochère richement décorée de frontons et de cartouches. À l’angle opposé de la même rue, l’hôtel de Pomey avec son petit dôme à quatre pans et, au nord, ses tourelles à poivrière. À la suite, ce ne sont plus que des murs et des jardins, jusqu’à la maison Saulnier, qui touche au Port-du-Roi, où, en 1574, Henri III traversa la Saône en bateau. Le magnifique hôtel Perrachon de Saint-Maurice (hôtel de l’Europe) n’existe pas encore ; Gérard Désargues ne le construira qu’un peu plus tard, en 1651.

Ce côté nord de la place est le seul qui soit à l’alignement. L’ancien marais du moyen âge, qui n’était, il y a peu de temps, que le « pré de Belle-Court », et où le gazon pousse encore, sur un sol inégal, comme en un champ de foire de village, forme un grand quadrilatère régulier. Du côté du Rhône (sur l’emplacement des maisons en façade et de la rue des Marronniers), ce sont de petits jardins clos de murs, dépendant des maisons qui bordent au midi la rue Bourgchanin et à l’est les courtines du fleuve ; un passage, percé entre deux propriétés (vers le milieu de la façade actuelle), communique au Rhône : c’est la rue des Basses-Brayes. D’autres jardins, avec des habitations derrière, occupent tout le reste de l’espace jusqu’aux bâtiments de la Charité. À partir du chevet de l’église, s’étendent, de l’est à l’ouest, trois rangs de beaux tilleuls, formant deux allées : l’une sert de promenade, l’autre est occupée par un grand jeu de mail ; un fossé, que l’on traverse sur de petits ponts, longe le jeu de mail du côté de la place. À travers les arbres, on aperçoit, en face de l’église de la Charité, la maison Lumagne (le futur hôtel Bellecour), et, derrière la voie publique qui limite la place au midi, les petits clochers des couvents des Bleues-Célestes et de Sainte-Marie de Bellecour (rue Sala). Au sud-ouest, la place est rétrécie par des constructions qui, avec leurs enclos et un commencement de rue tracé au-devant, s’avancent d’un côté presque jusqu’à la ligne de prolongement de la rue Confort (rue Saint-Dominique), et de l’autre jusqu’au tiers de l’espace compris entre le mail et la façade septentrionale de la place. Enfin, derrière ces maisons, s’élève l’hôtel du prévôt des marchands Alexandre Maserani ; connu sous le nom de Maison-Rouge, cet hôtel a, en effet, l’aspect des constructions à panneaux de briques, si usitées sous le règne de Louis XIII. C’est une des plus spacieuses et des plus belles habitations de la ville. L’entrée est au nord ; un portail monumental s’ouvre sur une grande cour garnie de parterres et fait face au principal corps de logis ; celui-ci est flanqué de deux tours carrées surmontées de toitures à quatre pans ; sur toute la largeur de l’édifice, règne une terrasse ornée d’une riche balustrades en pierre. Cette demeure princière, qui appartient à une famille de négociants, originaire des Grisons, enrichie par le commerce et parvenue aux honneurs consulaires, sera digne de recevoir le jeune Louis XIV, quand les combinaisons diplomatiques du cardinal Mazarin l’amèneront. à Lyon avec la reine mère et toute la cour, au mois de novembre 1658, sous prétexte de négocier un mariage avec une princesse de Savoie, mais, en réalité, pour déterminer la cour d’Espagne à faire la paix et à offrir au roi de France l’infante Marie-Thérèse.

Telle qu’elle est à cette époque, la place Bellecour fait déjà l’admiration des étrangers ; ils ne